L’IA automatise certaines opérations courantes de la Défense et délivre des informations permettant de mieux comprendre certaines situations. Si l’IA met en lumière des problèmes techniques et permet de prévoir des dysfonctionnements dans le secteur militaire, seul un esprit humain est capable d’apporter une réponse à un problème.
« Comment déployer les forces de l’OTAN en appui d’un gouvernement d’un petit pays confiné et fragilisé par une épidémie mortelle et par l’émergence de groupes armés » : ce scénario, proposé par l’OTAN en 2018 dans le cadre de son défi Innovation prend, dix-huit mois plus tard, une résonance particulière. À l’heure de la pandémie, il est en effet intéressant de voir quelles ont été les techniques sélectionnées par l’OTAN pour répondre à ce problème. Sans surprise, l’IA est l’une des pistes retenues, notamment dans le cadre du « filtrage et fusion des données, visualisation et analyse prédictive ». Ainsi, l’analyse d’images croisées avec des données de fréquentations de restaurants ou de transports publics permet d’étudier le lien entre déplacements de populations et propagation de la maladie.
L’analyse sémantique au service des signaux faibles de radicalisation
Cette collecte de données, qui vient nourrir un algorithme pour qu’il fournisse ensuite une analyse, est avant tout précieuse dans le domaine du renseignement. En matière de sécurité intérieure, face à la menace terroriste, l’IA est ainsi un excellent moyen de trier des millions de messages Twitter, à travers de l’analyse sémantique, pour identifier des signaux de radicalisation et remonter jusqu’aux réseaux islamistes ou suprématistes – selon les menaces qui pèsent sur les États. Si l’usage de ces données pose une évidente question de liberté individuelle, elles n’en sont pas moins devenues une ressource stratégique.
IA : un soutien aux opérations de terrain
En sécurité extérieure, les outils enrichis en IA sont aussi devenus des appuis logistiques précieux pour les militaires lors des OPEX (opérations extérieures, tel
Barkhane au Mali). Si le déploiement de l’IA requiert encore une infrastructure complexe qui peut compliquer la remontée d’informations, elle est en plein essor et devrait offrir aux militaires une meilleure visibilité des forces en présence. Cela est d’autant plus précieux que les combats modernes s’apparentent de plus en plus souvent à des guérillas urbaines qu’à des affrontements ouverts, comme au siècle dernier.
Privé-public : une coopération croissante dans l’IA
Si l’usage de ces technologies relève pour le moment encore de la souveraineté des États, on peut cependant espérer que les initiatives de coopération se développent, notamment à l’échelle européenne. La nouvelle Présidente de la Commission et ancienne ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen, a appelé de ses vœux une convergence des moyens militaires et technologiques européens au cours des cinq prochaines années.
Une autre coopération qui s’accroît est celle entre le département de la défense et des projets d’IA menés par des acteurs privés – les entreprises. Celles-ci sont en effet à la pointe du développement de ces technologies, et la puissance publique cherche de plus en plus, par le biais de contrats et de partenariats, à en bénéficier. Il existe en effet un grand nombre de domaines d’application communs au secteur militaire et privé : maintenance prédictive, optimisation des flux logistiques, sécurisation des transmissions… et autant de solutions qui se développent chez les entreprises, et qui peuvent être mises à profit par la défense pour son usage spécifique.
La main de l’homme …
Mais collecter et extraire de l’information à partir de données traitées par des algorithmes d’IA n’a de valeur que si celui qui s’en sert, entreprise ou force active, est capable de donner suite à l’information fournie par la machine. Dans le cas des fraudes bancaires, par exemple, l’IA est capable d’identifier les abus mais non d’y mettre un terme. Seule la mise en place d’une équipe et d’un processus approprié permet de traiter le problème. Car si l’IA permet de révéler et d’expliquer des problématiques, elle ne prend de valeur qu’en tant qu’outil au service d’une action humaine.
Aujourd’hui l’IA n’est plus un problème technologique. Les données, les capacités de calcul et les algorithmes sont là. Tout l’enjeu tient à la capacité des acteurs, publics ou privés, civils ou militaires, à exploiter les informations délivrées par cette IA pour résoudre des problèmes. Si la collaboration entre IA et défense n’en est qu’à ses prémices, les perspectives sont grandes et doivent être exploitées, dans le respect de la liberté individuelle et du contrôle de l’accès à la donnée ; que seule une législation forte peut garantir.