IA et emploi : doit-on choisir entre l’homme et le robot ?

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IA et emploi : doit-on choisir entre l’homme et le robot ?


IA et emploi : il faut penser l’hybridation pour éviter la destruction

La destruction d’emplois par l’intelligence artificielle irrigue les conversations et nourrit de nombreuses études, souvent anxiogènes. Le récent rapport réalisé par IBM qui prédit la destruction de 120 millions d’emplois dans le monde d’ici à trois ans en est un bon exemple. En contrepartie de cette destruction d’emplois, IBM en annonce la création de nouveaux, sans les quantifier.

Malgré l’ampleur de l’étude, les résultats ne sont pas surprenants. Cette absence d’étonnement vient sans doute de la façon de poser et de penser l’apport de l’intelligence artificielle dans l’entreprise. Il y a certes un consensus sur certains points. Quand l’humain doit agir comme un robot pour accomplir sa tâche, automatiser ce travail relève du bon sens. Et c’est d’ailleurs pour ce type de tâche que l’IA est la plus efficace.

L’IA : un avantage compétitif en trompe l’œil ?

Un décisionnaire avisé pourra avec l’IA et l’automatisation répondre à ces problématiques basiques que sont les tâches répétitives pour réduire le nombre d’ETP dans sa structure. Ces diverses actions seront à même d’augmenter sa rentabilité de 38 %, si l’on en croit une autre étude menée par le COE2. Cette promesse de création de valeur offerte par l’intelligence artificielle est séduisante. Pour autant, si les diverses études menées sur l’IA et l’emploi tentent de quantifier les gains financiers et les pertes potentielles d’emplois, la question de l’avantage compétitif à terme pour l’entreprise n’est pas abordée, ce qui est sans doute là l’angle mort de ces études.

Pour le dire autrement, positionner de l’IA pour optimiser les process de l’entreprise en faisant de l’augmentation sans penser à la fois ni aux collaborateurs et aux conséquences sur la chaîne globale de production ni à la création de valeur sur le long cours, peut-être une approche réductrice et contre-productive à terme. Que ferez-vous que votre concurrent ne fera pas ? Réduire la masse salariale, automatiser autant que possible ? À l’image de la trajectoire des technologies en entreprise, chacun se dotera d’outils et de process peu ou prou similaires. L’adoption de l’IA n’a aucune différence avec celle des ERP et des CRM ou autre outil technologique. L’avantage concurrentiel ne se jouera pas ici.

De même, combien, au moment d’automatiser une tâche ou un process se posent la question de l’impact à la fois sur le métier, sur le collaborateur, mais aussi sur l’ensemble de la chaîne de production ? Penser une approche holistique de l’augmentation et anticiper la collaboration entre le robot et l’humain amène à changer de point de vue. Typiquement, remplacer un collaborateur, c’est peut-être perdre de la connaissance et un apport autre à l’entreprise.

Dans tous les cas, même si la machine nous dépasse sur certains volets, celles des tâches de computation et tâches répétitives, nous serons toujours plus en capacité d’innover et de créer. Certes, si l’on demande à un humain de réaliser ne serait-ce qu’une addition de chiffres complexe, il y a toutes les chances pour qu’il se trompe ou doive la poser pour la réaliser. Une simple calculatrice à deux euros est bien plus puissante que l’humain pour ce type d’opération. A contrario, il est facile pour un être humain d’identifier un objet, même s’il ne l’a vu qu’une fois. Pour une machine, cette reconnaissance demandera une ingestion de milliers d’images et calculs.

Plus prosaïquement, l’IA manque de bon sens, de ce que l’on baptise les « savoirs tacites ». Une expression de l’épistémologue Michael Polanyi pour qui il est impossible d’apprendre à un ordinateur des choses que nous savons ou comprenons, mais sans pouvoir le formaliser de manière explicite. Ce savoir abstrait, et l’adaptabilité et créativité qui en découlent, est indispensable pour réaliser de nombreuses tâches hors de portée à jamais de la machine.

L’IA est une simple commodité ou une alliée pour aller plus loin

A contrario, l’IA reste une alliée à la fois pour évaluer en amont les compétences des collaborateurs et élaborer des parcours de formation en aval. Nous savons objectiver les « soft skills », mesurer la compétence et accompagner les collaborateurs. C’est ici une nécessité. À ce jour, automatiser les fonctions consiste par exemple à utiliser de la RPA pour les processus achat. Pour les achats de classe C, le réflexe peut être de positionner des acheteurs virtuels face aux fournisseurs et, soit de se séparer de collaborateurs, soit de focaliser les acheteurs vers les achats de classe A et B en les formants pour ce faire. Dans les deux cas, les concurrents feront sans doute pareil. A contrario, il est possible de s’interroger sur la révision du processus d’achat global et comment tirer parti avec intelligence de l’hybridation.

Les acheteurs ont peut-être déjà tous les éléments pour faire émerger les achats de demain. Notre rôle est à alors de créer les conditions pour faciliter cette créativité et repenser le processus d’achat, que ce soit avec de l’IA, de la blockchain ou autre. Dans un premier temps, l’IA nous aidera à résoudre un « irritant » et à gagner en productivité. Toutefois, dépasser ce simple stade de l’intégration et aider à penser l’évolution du process d’achat en entreprise est bien le cœur du conseil. Pas de se comporter comme un simple intégrateur de solution.

De la dépose-minute à la mobilité globale : l’IA doit aider à penser la complexité

À titre d’exemple, nous avons résolu pour un aéroport la question du désengorgement du dépose-minute. Mais, ce point est sous-jacent à une question plus vaste de la gestion de la mobilité sur une plateforme aéroportuaire. Une question qui amène à étendre la réflexion sur les liens de la plateforme avec les différents acteurs de la mobilité, comment on arrive et on part de cette plateforme aujourd’hui ? Le sujet de la mobilité doit se penser avec les partenaires pour répondre à la mobilité de demain.

Pour limitées que soient l’IA et l’automatisation, utiliser ces outils pour lever un irritant est une première étape. S’enlever une épine du pied n’améliore pas la performance globale de la course, mais permet juste de la continuer. La démarche de la performance est une démarche holistique et doit s’inscrire dans une réflexion plus large et une prise de hauteur nécessaire pour utiliser l’IA avec une intelligence… stratégique. Pas simplement pour gagner des ETP.

 


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Contributeur expert

Jean Luc Marini

Jean Luc Marini est directeur Directeur du LabIA et Directeur de l’agence de Lyon de OpenSt

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