La RPA (Robotic Process Automation) est une technologie en vogue et qui est en train de démontrer ses potentialités au sein des entreprises ayant lancé des initiatives sur ce sujet. Or il y a quelques temps « je suis tombé » sur une publication annonçant déjà que la « RPA est morte » (1). Au-delà du titre volontairement provocateur, il est nécessaire de faire la part des choses. Pour redonner du sens, de l’intérêt métier et économique pour l’entreprise et ses collaborateurs au sein d’un système intégré, il est nécessaire de considérer la RPA et de la mettre en œuvre au travers d’une approche holistique.
Actuellement, les entreprises sont majoritairement en cours d’acquisition et de mise en œuvre des technologies de robotisation des processus. « Bien qu’un grand nombre d’entreprises se soient lancées dans la RPA, seulement 4 % d’entre elles ont déployé plus de 50 Robots à ce jour » (2) même si elles se présentent comme déjà très avancées dans ces démarches. Cet état de fait a été très bien illustré lors du CNA à Paris au mois de mai 2019 lors d’une conférence animée par Sébastien Dumas (Synertrade). Parmi la vingtaine de participants, un seul avait déjà déployé (au sein de son organisation) des robots de façon industrielle (plus 30 robots) et identifiait les limites de la RPA mise en œuvre seule.
Les limites de la RPA
Une des principales limites identifiées de la RPA dans nos travaux actuels tient plus à la façon dont est envisagée la mise en œuvre de cette technologie qu’à ses capacités intrinsèques. « Il ne faut pas oublier que toutes ces nouvelles technologies sont un moyen et pas une fin en soi » (3).
Afin de déployer largement la RPA, des approches basées sur le découpage des processus sont mises en œuvre d’une part et d’autre part des approches visant à robotiser l’ensemble des processus. Effectivement en considérant les processus où les tâches unitairement, il devient plus aisé d’appréhender la complexité globale, de traiter les évènements divergents en les catégorisant ou en les excluant et de mettre en œuvre potentiellement un grand nombre de robots.
Faisant cela, le problème à traiter est délimité, mais parfois considéré « de façon hors sol ». Il est vu comme un élément unitaire. Ce qui fonctionne dans d’autres domaines comme certaines méthodes de modélisation et d’analyse numérique, ne fonctionne pas de façon suffisante dans le monde de l’entreprise et dans la vision de processus intégrés au sein d’un département (achats, comptabilité, contrôle de gestion, RH, etc.), au sein d’une organisation (régionale, nationale, mondiale), à travers l’entreprise dans sa globalité.
Ainsi, certains des « RPA early adopters » perdent de vue la potentialité de la RPA, comme l’amélioration de la réalisation d’un processus intégré donné et privilégient une vision trop parcellaire du processus. Ce faisant ils optimisent une ou plusieurs tâches du processus mais n’améliorent pas le processus dans son ensemble. Les « bottleneck » (goulot d’étranglement) existant par exemple ne sont pas traités.
Partant de ce constat, l’approche de la mise en œuvre de la RPA devrait être multiple :
- Proposer une approche orientée vers les processus intégrés,
- Proposer une vision de la RPA intégrée à la stratégie de digitalisation de l’entreprise et à la stratégie de l’entreprise,
- Proposer une boîte à outil technologique permettant la combinaison rationnelle et le renforcement de la RPA au travers de l’Analytics et l’IA.
Approche processus : une approche cohérente de la robotisation est à privilégier face à une approche massive et généralisée
Dans le cadre des interventions menées autour de la robotisation, il est nécessaire de faire preuve de discernement quant à l’application et la mise en œuvre de la technologie au service de l’entreprise.
Même s’il est souvent difficile de robotiser un processus dans son entièreté, il est nécessaire d’incorporer une dose de GBS (Gros Bon Sens) dans l’approche du périmètre de la robotisation. S’il n’est pas possible de robotiser un processus, il n’est pas pour autant souhaitable de robotiser une tâche isolée ce qui n’apporterait que peu de valeur ajoutée. En effet l’amélioration de l’efficacité d’une tâche n’améliore pas nécessairement le processus dans sa globalité. L’automatisation d’une tâche peut seulement déplacer le goulot d’étranglement dans le déroulement du processus. Une vision sous l’angle des sous processus semble une approche médiane qui ne décontextualise pas entièrement les éléments robotisés et permet une vision plus globalisée par la suite.
Le point de départ à mettre en avant est de ne pas tendre à robotiser tous les processus à partir du moment où les conditions nécessaires et suffisantes ne sont pas remplies. Standardisation, erreurs connues, inputs structurés, répétitivité, process basé sur des règles de gestion, etc. Ces critères de choix doivent être pris en compte pour mesurer l’éligibilité à la robotisation et sélectionner de façon pragmatique l’implantation des robots.
Approche structurée de la RPA au niveau de l’entreprise : stratégie et accompagnement de l’humain pour favoriser l’adoption et lever les craintes
Comme nous le mentionnions plus haut, la robotisation à tous les étages ne doit pas être mise en œuvre à tout prix. Celle-ci s’accompagnerait d’un rejet de la technologie par les collaborateurs et serait in fine contreproductive.
La RPA au même titre que d’autres initiatives au sein de l’entreprise doit être considérée de façon global et structurée pour s’intégrer :
• Dans la feuille de route digitale de l’entreprise. Elle permettra de sélectionner les outils les plus adaptés, d’embarquer la DSI dans la démarche dès le début et de proposer une vision à moyen/ long terme,
• Dans la stratégie globale de l’entreprise. Cette intégration permettra d’associer la mise en œuvre de la technologie à un accompagnement des organisations et des personnes dans l’adoption de la RPA et son bon déploiement pour permettre la transformation vers une taskforce hybride (humains & robots). Les robots et les hommes se complétant sans obligatoirement que les premiers remplacent les seconds.
Boîte à outil technologique : de la robotisation à l’integrated et intelligent automation
Les problématiques métiers ne peuvent être traitées et résolues par une seule et unique technologie. Les ERP n’ont pas résolus tous les maux de l’entreprise. Il est donc nécessaire de considérer la RPA comme une des briques technologiques au sein d’une boîte à outils permettant de répondre aux problématiques de l’entreprise. L’intelligence artificielle, le process mining, l’analytics, les outils de dataviz, les moteurs de NLP mais aussi les ERP et les SI Achats (la liste n’étant pas exhaustive) doivent être intégrés dans la vision technologique pour basculer de la robotisation à l’ « integrated & intelligent automation ».
L’évolution récente des technologies rend cette intégration plus aisée que par le passé et décuple les possibilités, la couverture fonctionnelle ou bien encore l’apport de valeur de l’automatisation des processus.
En synthèse et pour envisager la RPA comme un accélérateur de business
- La RPA doit faire partie d’une vision stratégique étendue. Une fois passée l’étape du POC, une feuille de route robotisation doit être bâtie et décliner opérationnellement,
- La RPA doit s’appuyer sur un programme renforcé d’accompagnement du changement pour rendre possible la transition vers une nouvelle organisation du travail (hybride) et sécuriser l’humain au sein de l’entreprise,
- La RPA ne doit pas s’envisager seule, mais augmentée, d’autres technologies innovantes et des outils existants de l’entreprise.
Références :
(1) RPA is dead. Long live Integrated Automation Platforms https://bit.ly/2Xi4Haj
(2) RPA : les robots attendent https://bit.ly/2ZkP8UY
(3) L’IA et la Blockhain appliquées aux Achats ne peuvent pas remplacer les fondamentaux https://bit.ly/2NWSoQX