Voix volées : des artistes s’insurgent contre le clonage vocal sans consentement

Si l’émergence des technologies d’IA générative a révolutionné de nombreux aspects de notre vie quotidienne de manière positive, leur utilisation à mauvais escient pose de sérieux problèmes. La création de voix synthétiques réalistes suscite ainsi des inquiétudes croissantes concernant le consentement et les droits d’auteur. Deux récents cas, impliquant les acteurs vocaux Paul Lehrman et Linnea Sage, ainsi que l’actrice Scarlett Johansson, mettent en lumière des utilisations de clonage vocal sans accord préalable.

Les acteurs vocaux contre Lovo

Ce premier cas a été rapporté par le New York Times qui a lui-même intenté un procès contre OpenAI et Microsoft, les accusant de violer le droit d’auteur en entraînant les modèles tels que GPT-4 sur ses publications sans autorisation.

Il concerne Paul Lehrman et Linnea Sage, un couple d’acteurs vocaux, prêtant leurs voix depuis 2019 pour des publicités, des annonces radio, des vidéos en ligne, des jeux vidéo et d’autres médias, qui ont découvert que leurs voix avaient été clonées par la start-up californienne Lovo sans leur consentement.

Les deux acteurs avaient été préalablement contactés par Lovo et payés pour des enregistrements qui, selon la start-up devaient être utilisés qu’à des fins non publiques, et seraient des scripts de test pour des publicités radiophoniques.

L’affaire a réellement débuté lorsque Paul Lehrman a entendu la voix d’un agent conversationnel nommé Poe ressemblant étrangement à la sienne dans un podcast sur l’essor de l’IA générative et ses dangers pour l’industrie du divertissement, l’été dernier. S’il avait découvert une vidéo YouTube sur la guerre en Ukraine dont la voix du narrateur ressemblait elle-aussi à la sienne en 2022, le propriétaire de la chaîne n’avait pu être retrouvé. Le podcast lui a permis d’identifier la source du clone vocal : Lovo, qui en a fait de même pour Linnea Sage.

Les deux acteurs ont intenté une action en justice contre Lovo, affirmant que l’entreprise avait violé la loi fédérale sur les marques et plusieurs lois étatiques sur la vie privée. Lovo a répliqué en affirmant que tous les enregistrements avaient été obtenus avec le consentement des acteurs. Toutefois, Lehrman et Sage ont présenté des preuves de correspondance avec des employés anonymes de Lovo, qui avaient assuré que les enregistrements ne seraient utilisés qu’à des fins de test et de recherche interne.

Paul Lehrman a commenté :

“Nous avons été choqués de découvrir que nos voix avaient été utilisées sans notre autorisation. C’est une violation flagrante de nos droits et de notre vie privée.” 

Il invite, avec sa compagne, les acteurs concernés par les clonages vocaux abusifs de Lovo à se joindre à eux.

Scarlett Johansson contre OpenAI

Le second exemple concerne l’actrice Scarlett Johansson, qui a récemment accusé OpenAI d’avoir utilisé sa voix sans son consentement. Elle affirme que Sam Altman, PDG d’OpenAI, l’avait contactée en septembre 2023 pour lui proposer d’incarner la voix de Sky, l’une des cinq voix du mode vocal de ChatGPT, mais avoir refusé l’offre pour des raisons personnelles. Ce qu’elle a réitéré deux jours avant le lancement de GPT-4o, après que son agent ait été à nouveau contacté par OpenAI.

Cependant, selon elle, la voix de l’assistant conversationnel ressemble étrangement à la sienne. Elle déclare dans un communiqué :

“Quand j’ai entendu la démo publiée, j’ai été choquée, en colère et incrédule que M. Altman ait mis au point une voix qui ressemblait si étrangement à la mienne que mes amis les plus proches et les médias ne pouvaient pas faire la différence.”

Elle a donc exigé des réponses et des détails sur le processus de création de cette voix synthétique, ce à quoi Sam Altman a ‘répondu :

“La voix de Sky n’est pas celle de Scarlett Johansson, et elle n’a jamais été destinée à ressembler à la sienne. Nous avons choisi l’acteur de doublage derrière la voix de Sky avant de contacter Mme Johansson. Par respect pour Mme Johansson, nous avons cessé d’utiliser la voix de Sky dans nos produits. Nous sommes désolés pour Mme Johansson de ne pas avoir mieux communiqué.”

Implications légales et appel à une réglementation plus stricte

Ces deux affaires soulignent la nécessité urgente de protéger les droits des artistes face à l’utilisation non autorisée de leurs voix par des technologies d’IA. Jeffrey Bennett, avocat général de la Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists, a déclaré que le procès intenté par Paul Lehrman et Linnea Sage pourrait établir un précédent important pour la protection des voix des acteurs :

“Ce procès montrera aux entreprises technologiques qu’il existe des droits sur votre voix, et qu’il y a tout un groupe de personnes qui gagnent leur vie en utilisant leur voix.” 

Il pourrait ainsi accélérer la mise en place de réglementations plus strictes concernant le consentement des artistes et la transparence des entreprises technologiques.

Ces cas soulignent que, malgré les avancées technologiques, le respect des droits individuels et de la propriété intellectuelle reste essentiel. Pour les artistes comme Johansson, Lehrman et Sage, la lutte pour protéger leur voix contre l’utilisation non autorisée par des IA n’est pas seulement une question d’argent, mais aussi de respect de leur identité et de leur travail.

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