L’utilisation des nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle dans le domaine sportif progresse de plus en plus. C’est d’ailleurs l’un des thèmes du quatrième numéro de notre magazine, à paraître le 18 mai. Dans le football, par exemple, depuis les années 50, le nombre de passes, de tirs, de situations favorables ou non sont recensées et ces statistiques sont utilisées afin de savoir si un joueur ou une équipe a correctement joué. DeepMind, la filiale d’Alphabet, s’est associée au Liverpool FC afin que ses systèmes d’intelligence artificielle puissent être utilisés pour créer un assistant-entraineur virtuel et performant. Il aidera l’entraineur (bien réel) du club anglais à prendre des décisions plus pertinentes quant à la tactique ou aux joueurs qu’il souhaite titulariser.
Un partenariat entre un club de football et une firme spécialisée dans l’intelligence artificielle
Le club de football de Liverpool a signé un partenariat avec DeepMind, la société de Google spécialisée dans l’IA, afin d’utiliser des modèles d’IA pour mieux analyser les données d’un match ou d’un entrainement de football. Pour que cela puisse marcher, Liverpool a fourni à DeepMind les données de tous les matchs joués durant les saisons 2017-2018 et 2018-2019. L’ensemble de ces informations et statistiques ont été récoltées par les nombreux capteurs, traqueurs GPS et algorithmes de vision par ordinateur qui ont scruté les joueurs ainsi que le ballon.
La filiale d’Alphabet est connue pour avoir conçu des IA qui ont battu des experts du jeu de go ou bien des joueurs de jeux vidéo en ligne. Mais comme l’indique Karl Tuyls, chercheur en IA pour DeepMind : “Un jeu comme le football est très intéressant, car il y a beaucoup d’agents présents, auxquels s’ajoutent les aspects de compétition et de collaboration”. Contrairement au jeu de go ou aux échecs, le football possède des facteurs d’incertitudes, car il se joue dans le monde réel et n’est pas modélisé par un algorithme ou par un plateau.
Mais malgré les variables et l’incertitude, rien ne prouve que ce sport ne possède que des facteurs imprévisibles. C’est ce que pensent en tout cas DeepMind et Liverpool, qui souhaite utiliser la grande quantité de données que possède le club anglais pour que ses modèles d’IA soient entrainés et puissent réaliser des projections sur certaines actions réalisées par les joueurs (comme une passe en profondeur ou un sprint).
L’intelligence artificielle pour réaliser des prédictions
L’objectif pour DeepMind est d’aider les entraineurs pour affiner leurs choix tactiques et la composition de leur équipe. Par exemple, l’entreprise a analysé plus de 12 000 pénaltys tirés pendant les matchs de Ligue des Champions et de Ligue Europa de ces dernières saisons. Chaque joueur a ensuite été classé selon son style de jeu et selon la manière dont le pénalty a été tiré. Certains constats ont été faits plus rapidement que si ces données avaient été analysées manuellement : les attaquants ont plus tendance à vouloir viser le petit filet gauche que les milieux de terrains. D’ailleurs, l’algorithme a même privilégié une manière de tirer le pénalty plutôt qu’une autre, à savoir viser du même côté que son pied fort. Cela pourra aider les gardiens pour prendre leur décision lors d’un tir au but.
D’autres modèles peuvent être en mesure d’estimer dans quelle mesure une action spécifique comme un tacle manqué ou une passe a contribué à un but ou à une grosse action. Ces statistiques sont associées aux expected goals (xG), un indicateur qui juge de la qualité d’une action de but entre 0 et 1. Si la valeur est proche de 0, il aurait été très difficile pour le joueur de marquer un but, par contre, si la valeur se rapproche de 1, l’action doit normalement se convertir en but. Cette valeur est déterminée en prenant en compte l’ensemble des situations similaires à celle que l’on souhaite évaluer, et l’algorithme compte le nombre de fois où il y a eu but. Si ces situations ont, pour la plupart, mené à un but, la valeur se rapprochera de 1.
Le football dans l’ère du numérique
Un autre système d’IA permettra d’analyser les performances des joueurs, leur puissance et leur condition physique. L’entraineur pourra avoir accès à informations liées à l’état de fatigue des footballeurs, ce qui pourrait par exemple, limiter leurs blessures. Karl Tuyls précise que l’IA ne remplacera pas les entraineurs, mais que ses impacts pourraient se faire ressentir au cours de la prochaine décennie :
“Nous n’essayons pas de fabriquer des robots, nous tentons d’améliorer la façon dont les humains jouent au football. […] Je ne pense pas que nous verrons des changements dans les six ou douze prochains mois. Mais dans les cinq prochaines années, les outils seront plus développés. Vous pourrez alors voir des assistants-entraineurs vidéo automatiques, qui aideront les analyses pré et post match.”
Il ajoute également que l’assistant virtuel pourrait être performant un jour, au point d’analyser la première mi-temps d’un match de football et de proposer des conseils à l’entraineur afin qu’il puisse faire des ajustements tactiques et des remplacements adéquats pendant la seconde mi-temps. Toutefois, les chercheurs de DeepMind précisent que les données produites par leurs algorithmes doivent être analysées et utilisées par des experts pour éviter certains raisonnements ou conclusions erronés.