Un an après l’annonce officielle de GAIA-X : où en est le projet d’infrastructure de données européenne ?

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Il y a presque un an, la France et l’Allemagne annonçaient le lancement officiel de GAIA-X : un projet ayant vu le jour en Allemagne durant l’année 2019 et qui a pour objectif de proposer une infrastructure de données européenne. Soutenu initialement par 22 entreprises françaises et allemandes issues de différents secteurs, GAIA-X regroupe 212 nouvelles structures selon le dernier recensement réalisé en mars dernier. L’écosystème de cette initiative ne cesse d’évoluer et accueille désormais des entreprises américaines et chinoises en son sein. ActuIA vous propose aujourd’hui, un focus sur ce projet afin d’en connaître ses principales avancées.

Qu’est-ce que GAIA-X ?

GAIA-X est un projet européen destiné à faciliter l’interopérabilité des services et les échanges de données, reposant sur une mise en oeuvre de protocoles techniques et des exigences éthiques communes. Le projet bénéficie d’un budget de 10 milliards d’euros sur 7 ans. Ses ambitions sont de fédérer en une alliance les acteurs industriels des données et du cloud computing. Les retombées économiques directes et indirectes du projet pourraient être conséquentes puisqu’il vise à fluidifier les échanges industriels.

Le lancement d’un projet franco-allemand pour le Cloud

Le 4 juin 2020, Peter Altmaier, ministre fédéral allemand de l’Économie et de l’Énergie, ainsi que Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie et des Finances, présentaient officiellement les étapes de mise en œuvre du projet GAIX-X. Lors de l’annonce, les vingt-deux entreprises et associations, onze Françaises et onze Allemandes collaborant à l’initiative ont été dévoilées. En voici la liste exhaustive :

  • Orange, OVHcloud, Scaleway (Illiad), Atos, Docaposte, Outscale, Institut Mines-Télécom, CISPE association, EDF, Amadeus, Safran
  • Les entreprises allemandes : Deutsche Telekom, SAP, German edge cloud, DEC-X, Siemens, Bosch, Beckhoff, BMW, Fraunhofer institute, IDSA association

L’ensemble des parties prenantes au projet se sont engagées à garantir la souveraineté des données ainsi que leur interopérabilité, leur portabilité et leur disponibilité. Elles ont également garanti de promouvoir la transparence.

La première phase de GAIA-X visait à établir des règles et des standards communs sur lesquels les entreprises pourront se baser pour ajouter leur proposition de valeur. Ainsi, sur le long terme, l’écosystème souhaite combiner les acteurs européens et non-européens proposant une infrastructure cloud et/ou des services.

Pour le gouvernement français, GAIA-X est une des solutions qui pourraient favoriser une plus grande fluidité du marché du Cloud. L’initiative rentre dans le cadre du quatrième Programme d’Investissements d’Avenir (PIA IV) et de France Relance. Le Gouvernement évoque l’ensemble de ces informations dans son rapport “Stratégie nationale pour le Cloud” :

“La fluidité du marché du Cloud ne doit pas être entravée par des difficultés techniques liées au changement de fournisseur, ou à l’intégration verticale des solutions. À ce titre, le Gouvernement soutient pleinement l’association GAIA-X et l’architecture de standards qu’elle mettra en œuvre. Ainsi les entreprises européennes pourront, grâce à GAIA-X, comparer, sélectionner et construire des solutions Cloud avec l’assurance que leurs données resteront sous leur contrôle en permettant de changer de fournisseur de Cloud de manière simplifiée.”

Plusieurs cas d’usages explicitant les enjeux de GAIA-X

Lorsque GAIA-X a été annoncé en juin 2020, l’objectif était de proposer les premiers cas d’usage à la fin de l’année civile, il s’agissait de la deuxième phase du projet. Au premier trimestre de l’année 2021, plus d’une soixantaine de cas d’usage ont été recensés. Voici quelques exemples, s’appuyant sur cet écosystème de Cloud européen, issus de domaines divers et variés :

  • Artemis : le projet Architecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information multi-Sources a été lancé par la Direction générale de l’armement (DGA). Son objectif : doter le ministère des Armées d’une infrastructure souveraine de stockage et de traitement massif de données grâce à l’apport technologique des laboratoires, des start-up et des PME. La plateforme a également pour but de favoriser l’émergence d’applications d’IA militaires d’aide à la décision.
  • Agdatahub : l’opérateur de plateformes de consentements et d’échanges de données agricoles a annoncé sa volonté de rejoindre GAIA-X en octobre 2020. L’entreprise s’est très vite adaptée à ce nouvel écosystème grâce à son initiative permettant aux acteurs du secteur agricole de reprendre la main sur les bases de données. La plateforme Agdatahub, dont fait partie l’outil API-AGRO, propose aux agriculteurs de stocker leurs données dans un espace européen souverain où ils peuvent échanger des données rendues interopérables et exploitables, sur la base du consentement. La solution a pu voir le jour grâce à la participation de Outscale pour le stockage, Orange pour le blockchain et les systèmes de consentement et GS1 France pour la standardisation.
  • Ekitia : lancé en mars 2020 grâce à l’association Occitanie Data, ce pôle régional souhaite améliorer la gestion de partage des données dans un cadre de confiance, de transparence et d’éthique entre les différents acteurs d’un territoire comme les pôles de compétitivité, les collectivités, les entreprises privées et publiques, les acteurs académiques, etc. Cette initiative trans-sectorielle et trans-territoriale vise à évoluer afin de devenir un label. Plusieurs dizaines de membres publics et privés sont investis dans le projet, dont le français Atos.

Ces trois cas d’usages sont les prémisses de la volonté européenne exprimée au travers de GAIA-X : proposer aux acteurs européens le plus grand nombre de services, plateformes, outils et infrastructures souverains permettant d’exploiter et d’échanges des données dans un cadre éthique et sécurisé. La portabilité et l’interopérabilité de ces solutions sont des points sur lesquels l’initiative souhaite se montrer intransigeante.

Autre aspect à mettre en avant, celui de la diversité des secteurs d’application de ces cas d’usages. On retrouve l’industrie 4.0, la santé, l’énergie, la finance, l’agriculture, la géolocalisation, la mobilité, la domotique ou encore le secteur public.

Les hubs nationaux : l’exemple du French GAIA-X Hub

Le 22 janvier 2021 a eu lieu la première session plénière du French GAIA-X Hub, initié par le Cigref, la direction générale des entreprises, l’académie des technologies, Systematic, et évidemment, l’association GAIA-X. Près de 1 000 participants ont pu en savoir plus sur l’initiative franco-allemande dans l’optique de développer l’implication des entreprises françaises dans le projet.

Le champ d’intervention des hubs nationaux rentre dans le cadre de la troisième phase du projet. Le French GAIX-X Hub et ses équivalents étrangers (en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg) prennent en charge le développement de data spaces avec des groupes de travail sectoriels dans l’optique de répondre aux besoins des entreprises européennes par la création de cas d’usages semblables à ceux évoqués précédemment.

Cette première session a été l’occasion de présenter l’ensemble de ces data spaces et de faire le point sur l’ensemble des travaux déjà engagés. Le French GAIA-X Hub a profité de l’évènement pour inviter l’ensemble des acteurs intéressés par l’initiative à se manifester.

Le 7 mai 2021, une seconde session plénière a été organisée pour permettre à l’ensemble de l’écosystème français de GAIA-X de découvrir les avancées menées par les groupes de travail sectoriels lancés après la première session. Une dizaine de hubs nationaux seraient en cours de construction, ce qui porterait à quatorze, le nombre total de hubs nationaux en Europe.

Une douzaine de secteurs d’activité sont animés par le hub français. Désormais, ce sont plusieurs centaines d’entreprises françaises qui sont accompagnées dans leurs stratégies de mutualisation de données.

Une “souveraineté technologique” relative

À la fin du mois de mars, GAIA-X confirmait l’adhésion de 212 organismes. Si les 22 participants d’origine étaient français et allemands, aujourd’hui, les membres proviennent de toute l’Europe et même de l’étranger puisque plusieurs entreprises telles que Salesforce, Huawei (via son antenne allemande basée à Dusseldorf), Palantir, Oracle ou Hewlett Packard Enterprise (HPE) ont pris part à l’initiative.

Cette ouverture peut de prime à bord étonner, mais la dépendance technologique est telle qu’il est difficile de se passer des entreprises non-européennes.

L’objectif de GAIA-X n’est pas de rassembler uniquement des sociétés européennes, mais de fédérer autour d’un système de valeurs européen.

Sur ce plan, l’alliance doit faire face à un problème de taille : la cour de justice de l’Union européenne a invalidé le Privacy Shield relatif à la législation américaine en vigueur autour de l’extraterritorialité. Les autorités américaines ayant la possibilité, grâce au CLOUD Act, d’ordonner la divulgation des données stockées en Europe. Indépendamment du plan d’action déjà établi depuis juin 2020, cette problématique s’est implicitement installée comme la prochaine étape de ce projet de cloud computing européen.

Notons qu’une entreprise qui demande à adhérer à GAIA-X ne reçoit pas automatiquement le label pour proposer ses solutions dans le cadre du projet. Les fournisseurs chinois et américains vont devoir s’adapter aux exigences de GAIA-X, car s’ils refusent de se plier aux labels, ils ne pourront à aucun moment proposer leurs offres dans le catalogue. C’est ce qu’a bien compris HPE en annonçant le développement du service HPE Roadmap pour GAIA-X. D’autre part, l’accession au conseil d’administration sera refusée aux entreprises non européennes.

La problématique d’extraterritorialité est d’ailleurs une question centrale dans la stratégie nationale française pour le Cloud dévoilée le 17 mai 2021 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, dont nous vous proposons de visionner l’annonce :

Le défi pour GAIA-X sera de trouver comment poursuivre son ouverture à l’international sans faire de concessions sur ses principes fondateurs.

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