La mission de l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, est de travailler avec ses États Membres et de nombreux partenaires dans le monde entier afin de promouvoir des technologies nucléaires sûres, sécurisées et pacifiques. Convaincue des capacités de l’IA dans le domaine nucléaire pour aider à résoudre certains défis majeurs de l’humanité, elle a présenté dans un article sept domaines dans lesquels elle améliore d’ores et déjà les applications pacifiques de la technologie nucléaire.
La genèse de l’AIEA remonte au discours « Des atomes pour la paix », prononcé par le président Dwight D. Eisenhower à l’Assemblée générale des Nations Unies le 8 décembre 1953. Il y proposait de créer l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, dont 81 pays ont approuvé le statut en octobre 1956, et, le 29 juillet 1957, l’agence voyait officiellement le jour. En mars dernier, elle comptait 175 états membres, son siège se trouve à Vienne, en Autriche et elle est dirigée depuis décembre 2019 par Rafael Mariano Grossi.
L’AIEA a également quatre bureaux : 2 régionaux situés à Toronto (Canada) et à Tokyo (Japon) ainsi que deux bureaux de liaison à New York. L’Agence gère des laboratoires spécialisés dans la technologie nucléaire à Vienne et à Seibersdorf (Autriche) et depuis 2002, un laboratoire à Monaco pour étudier les effets de la radioactivité sur le milieu marin.
En 2005, l’AIEA et son directeur général, Mohamed ElBaradei, ont reçu le prix Nobel de la Paix « pour les efforts qu’ils déploient pour empêcher que l’énergie nucléaire ne soit utilisée à des fins militaires et pour veiller à ce que l’énergie nucléaire à des fins pacifiques soit utilisée de la manière la plus sûre possible ». Par la suite, M. Mohamed ElBaradei, a été mis à l’honneur pour sa tolérance, son humanité et sa liberté dans de nombreux pays Inde, Autriche, Italie, Bolivie…)
Par ailleurs, l’agence a créé plusieurs programmes spécialisés notamment sur le traitement du cancer, la sûreté et la sécurité nucléaires, les réacteurs nucléaires innovants et les cycles du combustible.
L’IA et la santé humaine
Dans le domaine de la santé, l’objectif de l’AIEA est d’aider les Etats Membres à mettre en place des soins de santé de haute qualité. L’utilisation des techniques nucléaires en médecine et en nutrition est devenue l’une des applications pacifiques les plus répandues de l’énergie atomique.
L’AIEA coopère avec l’OMS depuis six décennies dans la lutte contre le cancer. Elle a d’ailleurs mis en place le « Programme de santé humaine » pour aider les Etats Membres à utiliser les techniques nucléaires pour prévenir, diagnostiquer et traiter le cancer ainsi que les maladies cardiovasculaires. Dans le cadre de la prévention, elle s’intéresse notamment à la nutrition et à la qualité de l’alimentation.
Comme application pacifique dans le domaine de la santé, elle cite la lutte contre le cancer, et notamment son dépistage. L’IAEA a d’ailleurs lancé en février dernier l’initiative « Rayons d’espoir » visant à soutenir la mise en place et l’expansion des services de radiothérapie, particulièrement dans les pays membres en développement qui en sont dépourvus. Elle vient d’ailleurs de signer dans ce cadre un partenariat avec 11 sociétés mondiales de lutte contre le cancer.
D’autre part, depuis 2005, elle a mené plus de 100 examens imPACT pour analyser les capacités et les besoins des systèmes de santé nationaux dans les domaines de la prévention et de la lutte contre le cancer. Le dernier s’est déroulé en novembre dernier en Colombie.
Concernant le dépistage du cancer, elle a lancé en juin dernier un projet de recherche coordonnée visant à étudier le potentiel de l’IA pour améliorer les compétences de contouring en radiothérapie, en mettant particulièrement l’accent sur l’augmentation de la précision de la délimitation des organes à risque dans les cancers de la tête et du cou.
Alors que la pandémie de Covid-19 sévissait, L’IAEA a lancé l’initiative d’action intégrée contre les zoonoses (ZODIAC) en juin 2020 pour aider les pays à prévenir les épidémies causées par des bactéries, virus, champignons ou des parasites provenant des animaux et pouvant être transmis à l’homme.
L’IA pour l’alimentation et l’agriculture
Les agriculteurs doivent affronter de nouveaux problèmes : dégradation de l’environnement, des sols, changement climatique… certaines start-ups comme ITK accompagnent les agriculteurs dans cette transition vers l’agro-écologie grâce à la modélisation du vivant (végétal et animal) pour atteindre une productivité optimale.
Associée aux technologies nucléaires, l’IA peut apportent des solutions pour lutter contre la faim et la malnutrition, améliorer la durabilité environnementale et garantir la sécurité sanitaire des aliments. L’AIEA et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) travaillent d’ailleurs en partenariat pour soutenir ces objectifs. Trente projets de recherche coordonnée sont menés dans ce domaine auxquels collaborent plus de 400 établissements de recherche et stations expérimentales des Etats Membres.
L’IA, l’eau et l’environnement
L’IA permet d’analyser les masses de données isotopiques (les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre d’électrons, et donc de protons pour rester neutres , mais un nombre différent de neutrons). Parmi ces données, on trouve celles du GNIP, Réseau mondial de mesure des isotopes d’hydrogène et d’oxygène dans les précipitations (notamment l’oxygène 18 et le deutérium), créé en 1960 par l’AIEA et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui travaille en coopération avec de nombreuses institutions dans les États Membres.
L’analyse de ces données permet aux scientifiques de mieux appréhender le changement climatique et ses effets sur l’environnement, notamment la disponibilité en eau douce.
IA, science nucléaire et recherche sur la fusion
Dans le domaine de la science nucléaire, l’IA est utilisée pour l’analyse des données, la modélisation théorique et les simulations, boostant ainsi la recherche fondamentale et l’innovation technologique.
Elle joue notamment un rôle important dans la recherche sur la fusion nucléaire, au coeur des travaux de chercheurs du monde entier, notamment au CEA en France, car elle a le potentiel de fournir une électricité propre et renouvelable et la physique des plasmas.
En juin dernier, l’AIEA a d’ailleurs appelé ses partenaires intéressés à se joindre à un projet de recherche coordonné sur l’accélération de la R&D sur la fusion grâce à l’IA, via la création d’une plateforme et d’un réseau intercommunautaire pour l’innovation et le partenariat.
IA et électronucléaire
Face au changement climatique, la nécessité de recourir davantage aux sources d’énergie à faible émission de carbone est devenue une évidence.
L’électronucléaire est une des solutions, il est la deuxième source d’énergie propre dans le monde. Il représente actuellement environ 11 % de la production d’électricité mondiale et n’émet pratiquement pas de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques.
L’IA est très utilisée dans ce secteur, le ML permet ainsi d’automatiser les tâches, de veiller à la fiabilité des processus et de détecter les anomalies. De leur côté, les systèmes d’IA et les simulations accélèrent les processus de création et d’optimisation ce qui permet de réduire les coûts de maintenance.
IA, sécurité nucléaire et radioprotection
L’AIEA travaille à promouvoir un cadre mondial de sûreté et de sécurité nucléaires solide et durable dans les Etats Membres, l’un de ses rôles est de protéger les personnes et l’environnement contre les effets nocifs des rayonnements ionisants.
Elle a mis en place le “Plan d’action de l’AIEA sur la sûreté nucléaire”, approuvé par les Pays Membres en septembre 2011, pour renforcer le cadre de sûreté nucléaire mondial, à la suite de l’accident survenu en mars 2011 à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi de la TEPCO.
L’IA a le potentiel d’améliorer la sûreté nucléaire de plusieurs façons. Elle peut permettre de traiter les données des systèmes de détection des rayonnements afin d’affiner la détection et l’identification des matières nucléaires et autres matières radioactives, d’analyser les données des systèmes de protection physique pour perfectionner la détection des intrusions et des anomalies pouvant résulter de cyber-attaques des installations nucléaires.
Dans le secteur de la radioprotection, les logiciels liés aux normes de sûreté intégrant l’IA ont la capacité de renforcer la protection des employés subissant une exposition professionnelle.
Dans le cadre de France Relance, le Gouvernement a lancé l’appel à projets de soutien à l’investissement et à la modernisation de la filière nucléaire et a sélectionné fin 2021 le projet ARDNA (AI Research on Data for Nuclear Application).Ce projet vise à mettre en place un système de contrôle augmenté par l’IA et a été mené par la société Aquila Data Enabler, en partenariat avec l’Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) et la startup Spotlight-Earth. Cette technologie pourrait concerner la surveillance sismique des ouvrages de stockage de Cigéo, le projet de stockage géologique pour les déchets les plus radioactifs.
L’IA et les garanties de l’AIEA
Grâce à une série de mesures techniques, appelées « garanties », l’AIEA vérifie que les Etats respectent leurs obligations juridiques internationales et n’utilisent les matières et la technologie nucléaires qu’à des fins pacifiques, prévenant ainsi la prolifération des armes nucléaires.
Pour détecter à un stade précoce l’utilisation abusive de matières ou de techniques nucléaires, elle utilise les données de l’imagerie satellitaire, l’échantillonnage de l’environnement, la spectroscopie gamma et la vidéosurveillance. Elle a ainsi recours au ML pour identifier les points anormaux dans ces grandes quantités de données, aider à vérifier le combustible usé et analyser les enregistrements de surveillance. L’IA améliore également la mise en œuvre des garanties en évitant aux inspecteurs un bon nombre de tâches répétitives