La protection des données personnelles est problématique, la plupart des gens acceptent leur utilisation sans savoir réellement à quoi ils s’engagent. Pour leur permettre de comprendre comment leurs données sont utilisées et si elles le sont dans un cadre légal, la Haute Ecole de Lucerne a développé un “avocat IA” en collaboration avec la plateforme de protection des données Profila.
Les entreprises suisses sont soumises à la loi fédérale LPD qui concerne la protection des données des citoyens en Suisse mais aussi au RGPD. Les clients, les sous-traitants peuvent faire partie de l’UE, contrairement à la Suisse, l’entreprise devra alors respecter le RGPD. La LPD a d’ailleurs été révisée et la nouvelle loi se rapprochant plus des exigences du RGPD devrait être mise en place courant 2022.
Lors d’un achat, de l’utilisation d’un service, on accepte souvent les conditions d’utilisation des données par l’entreprise sans en prendre connaissance, la longueur et la teneur de ces documents ne nous y encourage pas vraiment. Et l’on peut se retrouver harcelé par des mails ou des appels téléphoniques publicitaires sans savoir si les entreprises ont le droit d’exploiter nos données dans ce cadre. Michiel Van Roey, cofondateur de Profila, plateforme internationale spécialisée dans la protection des données, la fidélisation de la clientèle et le marketing explique :
“Les consommateurs ne savent souvent pas ce que les entreprises ont le droit de faire avec leurs données et comment ils peuvent se défendre contre une utilisation indésirable de ces données”
Un Chatbot comme avocat
La Haute Ecole de Lucerne informatique et Profila ont mené en 2019 une étude pour analyser les politiques de confidentialité et la législation suisse. Ils ont ensuite développé une base de connaissances intelligente et experte sous forme de chatbot qui apportera des réponses automatisées aux questions de confidentialité ou les conseils d’un expert de ce domaine. Le chatbot donnera des informations sur la manière dont les entreprises utilisent les données, sous forme de questions-réponses compréhensibles pour les non-initiés et les conseillera dans la gestion de leurs données. Michiel Van Poey déclare :
“Les consommateurs doivent pouvoir déterminer plus facilement eux-mêmes qui a accès à leurs données personnelles et à quoi elles sont utilisées”.
Cet avocat IA est une application chatbot pour smartphones similaire à Siri ou Alexa.
Des réponses juridiques précises
C’est l’équipe de recherche d’Alexander Denzler, du département informatique de la Haute Ecole de Lucerne qui a développé la base de données et a fourni à l’algorithme près d’1 million de documents concernant des cas juridiques, des jugements de tribunaux des conditions générales des entreprises, des directives d’utilisation des données des autorités ou des associations. Alexandre Denzler explique:
“Plus le système dispose de données, plus il apprend”.
La reconnaissance vocale reste un défi car la plupart des utilisateurs ne connaissent pas les termes juridiques, comme l’assure Alexandre Denzler :
“Notre intelligence artificielle doit malgré tout être en mesure de comprendre quels problèmes juridiques se cachent derrière une question. Lorsqu’il s’agit de questions juridiques, les réponses doivent être précises”.
Un juriste pour prendre le relais de l’IA pour les questions complexes
Les juristes de Profila vont tester l’algorithme. Leurs questions permettront à l’assistant numérique de s’améliorer et une première version fiable est prévue pour fin 2022. Alexander Denzler souligne que l’avocat IA pourra ne pas apporter de réponse satisfaisante si les questions sont trop spécifiques ou n’ont jamais été posées. Dans ce cas, le chatbot proposera aux utilisateurs de faire appel à une juriste spécialisée dans le domaine en question, dont les services sont estimés à 10 francs suisses soit un peu moins de 10 euros pour chaque question.
Un projet financé par Innosuisse, l’agence fédérale suisse.
Lorsque la base de données sera mise au point, le réseau de juristes sera mis en place, l’équipe espère finaliser le projet d’ici 2023. La première version sera éditée en allemand mais Alexander Denzler et Michiel Van Roey espèrent pouvoir développer ensuite d’autres versions pour les marchés suisses. L’agence fédérale Innosuisse apporte 550 000 F suisses (un peu plus de 530 000 euros) à ce projet qui devrait revenir à 950 000F (un peu plus de 916 000 euros).