Par Stéphane Bédère, Chief Customer Officer de Sidetrade
La politique volontariste du gouvernement en faveur du déploiement de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les entreprises ne pourra donner sa pleine mesure que lorsque les dirigeants se seront débarrassés d’un certain nombre de préjugés tenaces.
Mercredi 3 juillet, le Ministre de l’Economie et des Finances a présenté le volet économique de la stratégie nationale en faveur du développement de l’IA, initiée par le président de la République en mars 2018, lors du colloque AI for Humanity.
Bruno Le Maire a appelé de ses vœux l’avènement d’un écosystème fertile favorisant les échanges entre start-up de l’IA et entreprises de tous les secteurs, PME comme grands groupes. Il est en effet urgent que les premières puissent trouver des débouchés en France et prospérer sur notre territoire, et que les secondes s’emparent sans délais du formidable accélérateur de croissance que représente l’Intelligence Artificielle.
D’ici 2030, le marché mondial de l’IA pèsera en effet plus de 15,7 milliards de dollars. Selon PwC, l’impact portera notamment sur l’amélioration de la productivité et des résultats commerciaux. L’adoption de l’IA est donc impérative pour les entreprises qui veulent conserver – ou gagner – un avantage concurrentiel.
Mais les mythes abondent, et sont autant d’obstacles à des investissements pourtant indispensables… Voici quelques contre-vérités qu’il est impératif de combattre dans les entreprises.
L’intelligence artificielle reproduira l’intelligence humaine
Le terme « intelligence artificielle » est trompeur. Il est plus pertinent de remplacer le terme « artificielle » par « augmentée » ou « améliorée ». En effet, l’IA est une solution informatique pour faire réaliser des tâches manuelles et cognitives répétitives par des machines qui ne sont pas intrinsèquement « intelligentes ». Les principales méthodes utilisées ? L’apprentissage automatique, l’apprentissage profond et le traitement du langage naturel.
En tant que dirigeant, il est nécessaire de se focaliser sur les dimensions opérationnelles et les capacités objectives de l’IA. Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle remplit deux fonctions majeures en entreprise : l’automatisation des tâches répétitives et la prise de décisions humaines éclairées. La question pour un décideur n’est donc pas de savoir si l’IA peut remplacer l’intelligence humaine (ce n’est pas le cas), mais plutôt :
- Quelle est la création de valeur de l’IA pour mon organisation et comment en bénéficier ?
- Comment rendre l’interaction homme-machine intuitive et efficace ?
- Quels sont les domaines pour lesquels l’IA va améliorer productivité et rentabilité ?
- Quels départements, processus et collaborateurs peuvent s’approprier de « super-pouvoirs » grâce à l’IA ?
L’IA est une « boîte noire » indéchiffrable, aux préconisations parfois douteuses
Les technologies qui sous-tendent l’IA sont développées par l’homme. Si l’IA est capable d’effectuer des tâches complexes pour résoudre rapidement des problèmes précis de l’entreprise, c’est en utilisant des règles et des normes prédéterminées, fournies et contrôlées par des ingénieurs, couplées avec des données choisies et préparées par des data scientists.
Concevoir et déployer une IA dont les préconisations sont explicables et transparentes est donc possible. Cela est même essentiel pour que se généralise la confiance dans la technologie.
Au-delà de la transparence du calcul peut se poser la question de la pertinence des préconisations. L’algorithme, dans sa forme pure, donne toujours le résultat le plus juste, ou le plus efficace, sans aucune subtilité, avec parfois même des risques de discrimination – un sujet dont la Commission Européenne s’est d’ailleurs récemment saisie. Ces écueils, s’ils sont réels, ne sont pas une fatalité. Ils illustrent surtout la complexité de la mission des data scientists : si leur objectif est évidemment de programmer des algorithmes efficaces, il leur revient également de dompter ces mêmes algorithmes afin que leurs préconisations épousent bel et bien la stratégie de l’entreprise, tant sur le plan économique que sur celui de la responsabilité sociétale. Le meilleur algorithme n’est pas toujours le plus précis !
Les dirigeants doivent approcher l’Intelligence Artificielle comme une application sophistiquée mais parfaitement transparente et maîtrisable, capable d’augmenter l’efficacité de leurs équipes.
Les gains de productivité via l’IA entraineront des pertes d’emplois significatives
C’est confondre IA avec automatisation. Selon Gartner, d’ici 2020, l’Intelligence Artificielle « créera plus d’emplois qu’elle n’en détruira ». Selon la même source, 2020 sera une année charnière dans la dynamique de l’emploi liée à l’IA, car celle-ci devient un facteur positif avec un impact immédiat sur la motivation professionnelle.
Le nombre d’emplois impactés par l’IA variera selon le secteur d’activité. Par exemple, l’emploi dans l’industrie manufacturière -via la robotique- devrait à court terme probablement être affecté négativement par l’IA. Au contraire, en 2019, les besoins en emploi dans la santé, le secteur public et l’éducation devraient fortement croître grâce à l’IA. Plusieurs études estiment que l’IA, in fine, sera créatrice d’emplois. Ainsi, le World Economic Forum affirme que l’on pourrait voir la création de 58 millions de nouveaux emplois d’ici 2022.
Certes, certains changements peuvent être nécessaires pour tirer pleinement parti des capacités de l’IA au sein des systèmes d’information de l’entreprise, notamment la modernisation de l’architecture des données. Mais l’IA ne causera pas de changement radical. Aujourd’hui, les plates-formes d’Intelligence Artificielle basées sur le Cloud, évolutives et modulaires, peuvent être parfaitement intégrées avec les technologies existantes de l’entreprise.
L’IA implique une refonte des processus opérationnels et des rôles de chacun à l’échelle de l’entreprise
Les entreprises utilisent déjà les technologies d’IA et la robotique pour automatiser certaines tâches. Elles « augmentent » ainsi la productivité de leurs collaborateurs.
Toutefois, si l’on peut considérer que l’Intelligence Artificielle a un « QI » élevé, il se limite à l’exécution de tâches très limitées. De surcroît, son « QE » (quotient émotionnel) est proverbialement… nul. Or, comme le souligne un rapport de France Stratégie , l’IA n’est pas une technologie autonome qui peut penser par elle-même, faire preuve d’imagination ou de créativité
C’est pourquoi l’IA, si elle est capable de montrer à un commercial les clients qui le quitteront demain ou les clients qui achèteront plus de produits, ne sera vraisemblablement jamais capable de déployer la subtilité et l’intuition nécessaires à l’exercice de la négociation.
L’Intelligence Artificielle n’a aucune vocation à entrer en concurrence avec l’homme. Ceci est particulièrement vrai dans le monde de l’entreprise, où l’IA doit se concevoir comme un assistant diligent et ultra-efficace, qui facilite le travail des métiers en leur permettant de focaliser leur attention sur les tâches les plus créatrices de valeur. Par exemple, les algorithmes de traitement du langage naturel, en interprétant automatiquement les informations présentes sur les sites web des entreprises, peuvent aider les équipes marketing à cibler des prospects plus pertinents, puisque semblables à leurs clients actuels selon les combinaisons de mots-clés relevées. Pour les équipes financières, les algorithmes d’apprentissage permettent de définir et de personnaliser les meilleures stratégies de relance, avec le calendrier le plus adapté afin de collecter plus rapidement les paiements en retard… les exemples concrets en B2B sont d’ores-et-déjà légion.
Il est temps que nos dirigeants d’entreprises cessent de craindre l’Intelligence Artificielle pour embrasser sans attendre les possibilités infinies de « l’intelligence augmentée » !
Stéphane Bédère est Chief Customer Officer chez Sidetrade, plateforme d’Intelligence Artificielle dédiée à la relation client B2B.
Avec ses équipes, il renforce la capacité de Sidetrade à accompagner toujours plus efficacement ses clients dans leur transformation numérique, et à garantir les conditions de confiance et de maîtrise indispensables à l’adoption de l’Intelligence Artificielle.
Diplômé de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et de la London School of Economics, Stéphane dispose d’une expertise reconnue dans l’accompagnement d’équipes métier (PwC, CGI). Son parcours au sein d’éditeurs de logiciels avec un modèle Cloud (Anaplan, Jive) lui a permis d’acquérir une grande maîtrise dans la gestion de projets internationaux.