Un peu plus d’un mois après l’European AI Night, nous vous proposons aujourd’hui un retour sur cette nuit européenne de l’intelligence artificielle, dont l’ambition est d’impulser une dynamique européenne autour de l’écosystème de l’IA. Retrouvez à la fin de cet article notre interview de Vincent Luciani, Directeur Général d’Artefact à ce sujet.
L’AI Night 2019 s’est déroulée comme l’an dernier au palais de Tokyo. L’événement est classiquement articulé en trois secteurs : un secteur exposants, une scène dédiée aux conférences et un secteur dédié aux workshops.
Notons que l’AI Night est un événement essentiellement diurne et que l’ambiance est avant tout au networking et aux conférences.Le décor du palais de Tokyo et son escalier pour le moins coloré menant aux espaces conférence et workshop viennent toutefois rappeler la dimension festive à laquelle tiennent les organisateurs.
Les conférences ont été organisées autour de trois grandes thématiques : L’IA et le Business, L’IA et l’Europe, La recherche et l’éthique. Mais c’est bien l’Europe que cherchait à mettre à l’honneur l’événement, puisqu’il était pour la première fois organisé en partenariat avec AI4EU.
Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Vincent Luciani, co-fondateur d’Artefact, organisateur de l’événement:
Pourriez-vous nous présenter l’European AI Night ?
“La European AI Night, c’est la première fois qu’on organise un événement de cette ampleur, autour de l’intelligence artificielle, au niveau européen. La course est lancée autour de l’intelligence artificielle. Il y a clairement les US de leur côté qui ont pris une énorme avance avec l’ensemble de leurs plateformes et ce qu’on appelle les GAFA, qui ont un coup d’avance. Il y a la Chine qui est en train de se structurer. Donc c’est le bon moment pour l’Europe de lancer une réflexion autour de l’intelligence artificielle.
Aujourd’hui, on a trois grands objectifs à travers cet événement :
Le premier, c’est un événement à destination des entreprises. Aujourd’hui on constate que la plupart des grandes entreprises ont fait le choix de lancer des tests autour de l’intelligence artificielle et on constate que peu ont réussi à attirer de la valeur.
Donc, la réflexion c’est de se dire : c’est parti, maintenant utilisons l’intelligence artificielle pour créer de la valeur pour les entreprises et créer de la compétitivité pour les entreprises françaises et européennes, c’est le premier objectif. Le deuxième objectif est de se dire : ok, on fera ça, mais pas à n’importe quel prix, et il y a beaucoup d’enjeux éthiques autour de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui on a la chance à l’European AI Night d’avoir des représentants du High Level Expert Group (HLEG), qui sont des experts indépendants qui ont été nommés par la commission européenne pour travailler sur des questions d’éthique autour de l’IA, et qui nous ont présenté aujourd’hui 7 grands principes pour dire à quelles conditions on doit installer l’intelligence artificielle et comment respecter les utilisateurs et répondre aux grandes peurs concernant l’intelligence artificielle, notamment la perte de contrôle, notamment les biais, qui sont des questions que tout le monde se pose.
Le troisième grand enjeu autour de cet événement, c’est de fédérer un écosystème européen. Aujourd’hui on constate que les succès marchent dans la mesure où l’on fait travailler les acteurs ensemble. A cet événement, l’European AI Night, on a à la fois des laboratoires de recherche, on a des grands groupes, on a des startups, on a de grandes entreprises qui fournissent des logiciels autour de l’intelligence artificielle comme Google et Microsoft, on a des entreprises comme Artefact, qui finalement, sont des fédérateurs de l’IA, qui construisent des projets au sein des entreprises pour l’IA et on a l’impression que c’est en fédrant cet écosystème au sein de l’intelligence artificielle qu’on va réussir à créer de la valeur et entrer de plain-pied dans la course pour l’intelligence artificielle.
Aujourd’hui, on a la chance d’avoir la commission européenne qui annonce l’un de ses fondateurs de cette collaboration, qui est AI4EU, qui va être une grande plateforme à destination des moyennes et grandes entreprises, pour installer l’IA le plus rapidement et créer le plus rapidement possible de la valeur avec l’intelligence artificielle.”
Selon vous, quel est le rôle mondial de la France et de l’Europe en intelligence artificielle ?
“Je pense qu’on a de vrais atouts et qu’il faut se positionner. Je crois qu’on ne va pas être les meilleurs sur tous les plans en intelligence artificielle, en revanche il faut utiliser nos forces. A mon sens, on dispose d’un réseau de chercheurs très forts. Yann Lecun a été récompensé du prix Turing récemment.
On a beaucoup d’instituts de recherche qui se sont installés. Les grands groupes ont fait le pari d’installer des instituts de recherche en France. On peut citer l’exemple de Google, de Deepmind, de Samsung, de Facebook. C’est pas pour rien. On possède un tissu de recherche qui est très puissant, qu’il faut continuer à animer. Créer une indépendance et une force sur la recherche en densifiant le réseau de chercheurs. Par exemple aujourd’hui, contre les Etats-Unis et la Chine, c’est l’Europe qui produit le plus de publications de recherche autour de l’intelligence artificielle. C’est une vraie force sur laquelle il faut s’appuyer.
On pense qu’une deuxième force est la capacité à récupérer de la donnée en créant de la confiance avec le consommateur. Pour nous, le RGPD est une force, dans le sens où on va pouvoir créer des protocoles de récupération de la donnée au niveau européen. Créer ces bases de données européennes, c’est un atout formidable parcequ’on sait qu’aujourd’hui un algorithme moyen entraîné sur une grosse base de données sera bien meilleur qu’un algorithme très performant entraîné sur une base de données plus petite.
En ce sens, la France a lancé un un projet dont nous avons beaucoup parlé aujourd’hui, qui est le Health Data Hub, qui sont des initiatives très intéressantes car elles vont permettre de fédérer des pools de données qui vont permettre d’entraîner des algorithmes à grande échelle, et je pense que c’est aussi l’une des ambitions d’AI4EU.
Pour finir, en tant que consultant opérationnel d’intelligence artificielle pour les grands groupes, on pense que la valeur va venir de l’adoption de l’intelligence artificielle et de l’industrialisation. On voit beaucoup de projets, malheureusement, qui restent à l’état de test, et notre message, c’est de créer les conditions d’une industrialisation saine, et donc de créer les conditions de la valeur avec l’intelligence artificielle. On pense que l’Europe a aussi un rôle à jouer en créant un terrain d’accélération auprès de ces projets. Je pense notamment à créer un climat de confiance et notamment l’éthique et la façon dont on va organiser ce déploiement de l’intelligence artificielle en toute confiance, c’est aussi le rôle de l’Europe de se dire “ok, quelles sont les conditions pour installer un projet et le grandir à l’échelle européenne en toute confiance. Je pense que l’Europe va aussi pouvoir se différencier en créant un protocole et une éthique autour de l’intelligence artificielle qui vont pouvoir clairement être très différenciants par rapport à ce que pourraient faire les Etats-unis et la Chine par exemple.”
Les financements européens sont-ils suffisants pour permettre l’émergence d’une IA qui pèse au niveau mondial ?
“L’Europe a annoncé dans le cadre de son investissement pluri-annuel, un engagement d’1,5 milliard jusqu’à 2020 et a annoncé l’ambition de fédérer un pool d’investissement de près de 20 milliards dans les 10 prochaines années. Ce chiffre de 20 milliards, pour moi c’est déjà un gros challenge, donc il va falloir créer les conditions pour rassembler ces 20 milliards qui sont un ensemble d’investissements entre les investissements publics et les investissements privés, donc c’est déjà un challenge en tant que tel. Si on arrive à rassembler les investissements, les dépenser de façon cohérente avec une feuille de route précise, sur des projets qui seront impactants au niveau européen, je pense que là on aura réuni un certain nombre de conditions du succès.”
Nous tenons à remercier Vincent Luciani, Artefact, France Digitale et AI4EU pour cette belle édition 2019.