En France, le contrôle des banques et des assurances est exercé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Créée en 2010, suite à la crise financière de 2008, l’autorité a pour objectif de superviser les banques et les assurances pour en garantir la stabilité financière, protéger la clientèle et renforcer l’influence française dans les instances internationales et européennes. Le 14 janvier dernier, elle a publié les résultats de son étude sur la transformation numérique dans les secteurs français de la banque et de l’assurance.
L’ACPR a mené en 2017, et publié début 2018, deux études sur la révolution numérique, l’une consacrée au secteur de l’assurance et l’autre au secteur bancaire. Pour estimer les évolutions de ces deux secteurs, elle a interrogé 12 groupes ou organismes d’assurance et 8 groupes bancaires, représentatifs du marché français, pour mesurer les transformations engagées et les prendre en compte dans la conduite de ses propres missions et dans sa participation aux instances européennes et internationales.
Pour ces deux études, les organismes sollicités ont répondu à un questionnaire d’une cinquantaine de questions ouvertes, proches du questionnaire 2017-2018, complété par des entretiens. L’objectif est de caractériser les stratégies des acteurs, leur perception du contexte concurrentiel et le rythme effectif de leur transformation.
L’Intelligence Artificielle (IA), élément moteur de la transformation numérique des banques et des assurances
Dans le secteur de l’assurance, plus de 83% des acteurs interrogés considèrent que l’IA va profondément transformer leurs processus internes. Les innovations jugées les plus prometteuses par les organismes d’assurance, et donc les plus souvent mises en œuvre, sont celles permettant de mieux collecter, valoriser et sécuriser les données, notamment grâce à une utilisation accrue de l’IA. Ces technologies permettent déjà d’accroître la productivité interne en augmentant la pertinence des décisions des collaborateurs (intelligence augmentée), en contribuant à la dématérialisation et l’automatisation des processus (reconnaissance automatique de documents, analyse sémantique). En externe, l’IA permet d’augmenter les capacités d’«acquisition» (meilleur ciblage des nouveaux clients). Les cas d’usage les plus fréquemment cités ont pour objectif la digitalisation et l’amélioration de la relation et du service des clients, d’une part, le renforcement de l’efficacité opérationnelle interne, d’autre part. La personnalisation de la tarification et la lutte contre la fraude apparaissent comme les domaines les plus susceptibles de bénéficier des avancées technologiques.
Dans le secteur bancaire, les quatre années écoulées ont marqué une nette maturation dans le développement puis le déploiement des outils d’intelligence artificielle : tous les acteurs ayant répondu à l’enquête ont développé puis déployé des outils d’intelligence artificielle opérationnels qui contribuent à améliorer la relation client, la lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou à mieux identifier les risques.
Les autres technologies
Impact estimé des technologies de type registre distribué
En moyenne, l’impact est estimé faible ou marginal à l’heure actuelle. Si plusieurs des assureurs interrogés s’avouent intéressés par le potentiel de la blockchain et des smart contracts à fournir des solutions pour la réduction des délais et des coûts, le stockage d’informations et l’optimisation des process, par contre ils se représentent encore difficilement le déploiement opérationnel de cette technologie. L’exemple cité lors de l’étude est le suivant : «le projet d’indemniser automatiquement les bénéficiaires d’un contrat après le constat de décès, grâce à un smart contract n’a pas pu aboutir au regard des limites suivantes : juridiquement, les bénéficiaires peuvent être modifiés plusieurs fois durant la vie du contrat, alors que les données ne peuvent pas être modifiées dans la blockchain. De même, le déclenchement automatique du versement de la prestation suppose de pouvoir mettre à jour les IBAN des bénéficiaires.»
Dans le secteur de la banque, la technologie de registre distribué (blockchain) est diversement appréciée : 25% des banques interrogées la jugent trop peu mature et les cas d’usage pertinents peu nombreux, alors que près de 40%, estiment à l’inverse, que l’impact de la blockchain sur l’activité bancaire sera important, voire disruptif.
Des stratégies de développement en lien avec l’écosystème innovant
Les clients des banques ont de nouvelles attentes : des outils numériques simples d’accès et sécurisés, leur permettant de réaliser l’ensemble des actes de gestion de leurs produits en ligne, une relation client instantanée et un service personnalisé et autonome. Interrogés sur l’impact de ces évolutions sur les produits proposés, les établissements bancaires assurent que ce sont leur distribution ou les technologies sous-jacentes qui devraient évoluer. L’usage des nouvelles technologies et de nouveaux modèles d’affaire seront adoptés pour conserver la clientèle et contrer les concurrents.
Dans le secteur de l’assurance, les «assurtechs» sont perçus comme des partenaires ou des concurrents de niche. L’informatique quantique appliquée à l’assurance est encore embryonnaire : ses domaines d’application et ses conditions de mise en œuvre restent flous. Elle porte le risque d’une rupture technologique forte en rendant caduques les méthodes de cryptographie actuelles (ce qui pourrait augmenter les risques de cybersécurité). D’ici 5 à 10 ans, la voiture autonome pourrait avoir un impact sur le modèle économique de l’assurance, en modifiant la répartition des responsabilités et la sélection du risque. L’évolution du risque de fréquence vers un risque sériel est estimée de l’ordre de la dizaine d’années.
Les systèmes d’information face à un double défi : la sécurité et la modularité
La transformation numérique expose le secteur bancaire tout comme celui de l’assurance à de nouveaux risques opérationnels, comme les fraudes ou les cyberattaques. Leur priorité est de renforcer la résilience de leurs systèmes d’information, tout en améliorant leur modularité ainsi que leur interopérabilité, nécessaires au développement de nouvelles technologies.