Le deep learning est aujourd’hui utilisé dans de nombreux domaines, il l’est de plus en plus dans celui de l’histoire. Daniel Patt, un ingénieur logiciel de Google, s’est associé au financier Jed Limmer, pour concevoir le site « From Numbers to Names » qui propose à ses utilisateurs dont certains membres de leur famille ont péri ou survécu, mais sans laisser de traces, à la suite de l’holocauste, de télécharger leur photo pour voir s’il y a une correspondance avec les 34 000 images des archives du United States Holocaust Memorial Museum. Les 10 images offrant le plus de similitudes sont sélectionnées et leur sont proposées.
La reconnaissance faciale est aujourd’hui très controversée, notamment pour le risque d’atteinte à la vie privée. Daniel Patt et Jed Limmer ont voulu l’utiliser pour donner un nom aux visages anonymes des photos de l’Holocauste.
L’origine du projet
Daniel Patt a, en 2016, visité le musée Polin, à Varsovie, consacré à l’histoire du ghetto. Trois de ses grands-parents sont des rescapés de l’Holocauste en Pologne, il a été saisi par l’idée que parmi les visages, le plus souvent anonymes, des photos qu’il était en train de regarder, l’un appartenait peut-être à un membre de sa famille.
D’autre part, il voulait absolument aider l’une de ses grand-mères, âgée de 91 ans aujourd’hui, à retrouver des photos des membres de sa famille qui ont péri durant cette sinistre période.
La plateforme From Numbers to Names (N2N)
Daniel Patt s’est ainsi associé au financier Jed Limmer, pour « essayer de connecter les personnes qui sont vivantes aujourd’hui avec des photos d’êtres chers qu’ils ont perdus dans l’Holocauste »
Ils ont créé et développé « From Numbers to Names » (N2N), une plateforme de reconnaissance faciale basée sur l’IA numérisant des photos de l’Europe d’avant-guerre et de l’Holocauste, les reliant aux personnes vivant aujourd’hui.
Daniel Patt et Jed Limmer ont financé eux-mêmes le site et les travaux, y consacrant leurs soirées et leurs week-ends. Une équipe de développeurs, de datascientists et de chercheurs bénévoles est par la suite venue rejoindre Daniel Patt, augmentant ainsi l’efficacité de sa plateforme.
Ils ont partagé des identifications qui ont depuis été confirmées et publiées sur le site de l’USHMM et ont pu retrouver des survivants et descendants des victimes de la Shoah.
Daniel Patt a cependant déclaré au Times of Israël :
« Nous ne faisons aucune affirmation logicielle sur les identifications et laissons ce jugement aux personnes qui utilisent le site. Nous montrons simplement les résultats, avec des scores de similitude, et laissons les individus décider si les résultats contiennent une identification positive. »
Deux modes gratuits de recherche sont possibles sur le site numberstonames.org :
- La recherche rapide qui permet d’obtenir 10 résultats qui ressemblent le plus au visage de la photo parmi environ 34 000 photos de l’USHMM (soit environ 170 000 visages) en quelques secondes.
- La recherche complète, après s’être inscrit et avoir créé un compte, puis téléchargé une photo, est faite sur un ensemble de photos beaucoup plus important, environ 500 000, et prendra une journée environ.
Les personnes sont plus susceptibles d’être appariées avec des parents qui avaient sensiblement le même âge sur la photo et si la photo téléchargée date d’avant les années 1960.
Daniel Patt ajoute :
« Nous avons commencé à analyser les vidéos des archives cinématographiques et vidéo de Steven Spielberg. Nous créons également un moyen pour les étudiants vérifiés et les utilisateurs de recherche de fournir des annotations et des identifications directement sur la plate-forme. »
Les cofondateurs de N2N souhaitent à présent établir des partenariats avec des musées, des écoles, des instituts de recherche et d’autres organisations qui partagent des objectifs communs en matière d’éducation à l’Holocauste, de sensibilisation…
Ils se heurtent toutefois à 2 problèmes : un coût qui augmente avec l’analyse de photos et vidéos supplémentaires et l’âge des derniers survivants à l’holocauste.
Daniel Patt affirme :
« Nous avons développé le projet au cours des soirées et des fins de semaine pendant de nombreux mois. Il y a une urgence à cet effort alors que les derniers survivants restants passent, et il y a beaucoup de connexions qui pourraient encore être faites. Nous espérons que N2N pourra aider à établir ces liens pendant que les survivants sont encore avec nous. »