Après avoir attribué mardi dernier à John J. Hopfield et Geoffrey Hinton le Prix Nobel de physique pour leurs travaux pionniers sur les réseaux de neurones, l’Académie royale des sciences de Suède a décerné mercredi le Prix Nobel de chimie à d’autres acteurs de l’IA : Demis Hassabis, John Jumper ainsi qu’au chercheur américain David Baker pour leurs recherches sur les protéines.
John Hopfield et Geoffrey Hinton ont été récompensés “pour les découvertes et inventions fondatrices qui permettent l’apprentissage automatique avec des réseaux neuronaux artificiels”.
John Hopfield est un physicien et neuroscientifique américain, principalement connu pour ses contributions à la théorie des réseaux de neurones. Aujourd’hui âgé de 91 ans, J Hopfield est professeur émérite Howard A. Prior en sciences de la vie et professeur émérite de biologie moléculaire à l’Université de Princeton. Avant de se tourner vers les neurosciences computationnelles, il a travaillé dans divers domaines de la physique, notamment la physique du solide et la biophysique. Il a utilisé ces compétences pour modéliser les processus cognitifs du cerveau à travers des approches mathématiques.
Il est l’inventeur du réseau de neurones récurrents connu sous le nom de réseau de Hopfield, proposé en 1982. Ce modèle, qui est une forme de mémoire associative auto-organisée, est utilisé pour la reconnaissance de motifs et l’optimisation combinatoire. Ses travaux ont inspiré de nombreuses avancées dans les domaines de la cognition, de la biologie computationnelle et de l’IA.
Il partage ce prix Nobel avec un pionnier du deep learning, Geoffrey Hinton. Celui-ci a repris et étendu certains des bases posées par Hopfield pour ses propres travaux, notamment dans le domaine des réseaux à apprentissage non supervisé et pour la machine de Boltzmann, un réseau capable d’apprendre à reconnaître des caractéristiques dans les données de manière autonome, qui est un prolongement probabiliste des réseaux de Hopfield.
En appliquant les principes de la physique statistique, Geoffrey Hinton a entraîné cette machine à classifier des images ou à générer de nouveaux exemples de motifs. Ses travaux, pour lesquels il a reçu en 2019 le prix Turing avec Yann LeCun et Yoshua Bengio, ont ouvert la voie à l’essor de l’apprentissage automatique que l’on observe aujourd’hui.
Cependant, l’un comme l’autre alertent sur les menaces que l’IA pourrait faire courir à l’humanité si elle était entre de mauvaises mains, ce qui a amené Geoffrey Hinton, aujourd’hui âgé de 76 ans, a quitté Google Brain l’an passé.
Demis Hassabis, John Jumper et David Baker, récipiendaires du Prix Nobel de chimie 2024
L’Académie royale des sciences de Suède a également décidé de partager ce prix en deux : “Une moitié à David Baker « pour la conception computationnelle de protéines » et l’autre moitié conjointement à Demis Hassabis et John M. Jumper « pour la prédiction de la structure des protéines ».”
Heiner Linke, président du Comité Nobel de chimie, souligne :
“L’une des découvertes de cette année concerne la construction de nos propres protéines spectaculaires. L’autre consiste à réaliser un rêve vieux de 50 ans : être capable de prédire la structure des protéines en fonction de leurs séquences d’acides aminés. Ces deux découvertes ouvrent des possibilités infinies”.
David Baker est un biochimiste américain, professeur à l’Université de Washington et directeur de l’Institut pour le Design des Protéines (Institute for Protein Design). Il est un pionnier dans le développement d’outils informatiques permettant de créer des protéines artificielles ayant des propriétés et des fonctions spécifiques qui n’existent pas dans la nature. Celles-ci peuvent s’auto-assembler en structures complexes ou être utilisées pour neutraliser des virus ou des toxines, ouvrant la voie à de nouvelles thérapies.
Avec son équipe de l’Université de Washington, David Baker a développé le logiciel Rosetta, conçu pour prédire et concevoir la structure tridimensionnelle des protéines. Ce logiciel utilise des algorithmes sophistiqués pour modéliser la manière dont les acides aminés se replient en structures tridimensionnelles fonctionnelles, un défi central en biologie moléculaire. Grâce à Rosetta, ils ont réussi à concevoir, en 2003, Top7, une protéine composée de 93 acides aminés qui se replie en une structure tridimensionnelle stable.
Alphafold
Demis Hassabis, neuroscientifique, PDG et cofondateur de DeepMind, aujourd’hui filiale de Google, ainsi que John Jumper, chercheur en IA, ont transformé la manière dont les scientifiques abordent la prédiction de la structure des protéines.
Grâce à l’IA, leur modèle AlphaFold est capable de prédire la forme d’une protéine par ordinateur à partir de sa séquence d’acides aminés en quelques mois, plutôt qu’en tentant de la déterminer expérimentalement : une méthode qui prend plusieurs années, coûteuse et laborieuse.
La 1ère version du modèle parue en 2018 tout comme Alpha 2, présenté en 2020, ont remporté le concours Critical Assessment of Protein Structure Prediction (CASP). En 2021, DeepMind a publié les formes prédites de plus de 350 000 protéines et ainsi établi une carte des protéines humaines très précise.
Aujourd’hui, cette base de données contient des prédictions de structure pour presque toutes les protéines connues.
Le travail des deux hommes, qui a déjà été récompensé par le prix Lasker l’an passé, a des implications profondes dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la biotechnologie.