Les lauréats des Prix Inria – Académie des sciences 2020 ont enfin été dévoilés. Cette année ont été récompensés Stanley Durrleman, Pierre-Louis Curien et Pl@ntNet. Créés en 2011, et soutenus par l’Académie des sciences et Dassault Systèmes, ces prix mettent en lumière les innovations, les avancées majeures et les succès de celles et ceux qui font avancer les sciences et technologies du numérique. En mettant en avant des parcours individuels et collectifs exemplaires ainsi que des résultats de tout premier plan, ces Prix mettent l’accent sur l’importance des sciences du numérique et de leur interdisciplinarité pour notre société.
Stanley Durrleman, Prix du jeune chercheur Inria-Académie des sciences
Les recherches de Stanley Durrleman portent sur le développement de systèmes d’intelligence artificielle qui peuvent apprendre la dynamique d’un processus biologique difficile à observer comme la progression de maladies chroniques. Depuis une dizaine d’années, Stanley Durrleman a réalisé quelques avancées significatives en défrichant un domaine de recherche émergent à la frontière entre systèmes dynamiques, géométrie différentielle et apprentissage statistique. Ces recherches se sont accélérées dans le cadre du projet ERC LEASP (2016-2020) et ont donné lieu à des publications dans plusieurs champs disciplinaires : apprentissage statistique, vision par ordinateur, imagerie médicale et neuro-imagerie.
Avec son équipe-projet ARAMIS à l’Institut du Cerveau, il a développé des méthodes qui estiment une ou plusieurs trajectoires de référence à partir de données de patients répétées dans le temps et permettent la construction de modèles numériques de progression de maladies. Ils ont pu ainsi cartographier les trajectoires pathologiques dans trois maladies neurodégénératives : Alzheimer, Parkinson et Huntington. Son équipe utilise maintenant ces modèle pour prédire l’évolution de nouveaux patients. Un tel système de prédiction automatique du déclin cognitif est actuellement en cours de déploiement à l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer à la Pitié-Salpêtrière.
L’équipe travaille aussi en collaboration avec les entreprises pharmaceutiques afin d’utiliser ces prédictions pour cibler le moment le plus opportun pour tester un traitement et évaluer dans quelle mesure il peut changer la trajectoire de progression de la maladie. Ces outils contribuent à l’émergence d’une médecine de précision en neurologie.
Pierre-Louis Curien, Grand Prix Inria-Académie des sciences 2020
Directeur de recherche émérite au CNRS, Pierre-Louis Curien est un acteur incontournable de la recherche française en informatique fondamentale depuis plus de 35 ans. Son influence, nationale comme internationale, a été déterminante dans la constitution d’une théorie proprement mathématique des langages de programmation.
Dans ses premiers travaux, avec Gérard Berry, il a montré comment compiler un programme de nature syntaxique en un objet de nature purement mathématique (appelé algorithme séquentiel) capable de rendre compte du comportement opérationnel et non pas seulement fonctionnel du programme de départ. Idée révolutionnaire qui a façonné notre compréhension des langages de programmation par les mathématiques.
Au tournant des années quatre-vingts, il détourne le cadre sémantico-algébrique donné par la théorie des catégories pour en extraire une machine abstraite (appelée Categorical Abstract Machine ou CAM) qui a eu une influence notable sur l’implémentation (et le nom) du langage OCaml. Cette ligne de travaux débouche au début des années quatre-vingt-dix sur la découverte des calculs de substitution explicite et de leurs applications aux preuves de correction d’implémentations ou d’optimisations. Entre temps, il reçoit le Grand Prix IBM France. Dans ses recherches actuelles, il met sa boîte à outils syntaxique au service de la définition et la manipulation de structures algébriques à homotopie près, qui sont d’une grande actualité dans la communauté mathématique.
L’équipe-projet pi-r2 qu’il a fondée avec Hugo Herbelin (commune avec Université de Paris et le CNRS) joue depuis sa création un rôle majeur dans la conception, le développement et la maintenance de Coq. Pierre-Louis Curien s’est par ailleurs beaucoup engagé dans les débats profonds qui ont préparé la création de l’INS2I au CNRS, menant pour la première fois en France à une définition de l’informatique en tant que domaine scientifique.
Pl@ntNet, Prix de l’innovation Inria-Académie des sciences-Dassault Systèmes
Pl@ntNet est sans aucun doute une des innovations technologiques les plus importantes de ces dernières années et le fruit d’un cheminement scientifique hors-norme, à la croisée des sciences du numérique, des sciences du vivant et des sciences citoyennes.
Créée en 2010 au sein de la fondation Agropolis, l’équipe PlantNet a été à l’origine de plusieurs contributions algorithmiques et méthodologiques majeures : la recherche par similarité visuelle mise en œuvre dans l’application se fonde sur une méthode innovante d’apprentissage profond (deep learning) qui, combinant le crowdsourcing et le développement d’outils interactifs originaux, permet la reconnaissance des plantes par tout un chacun.
Conçu à l’origine comme un instrument scientifique de surveillance de la biodiversité végétale, PlantNet et son équipe pluridisciplinaire (informatique, science des données, science du vivant) ont désormais un impact sociétal certain : plus de dix millions de personnes l’utilisent partout dans le monde dont des centaines de milliers d’agriculteurs et de gestionnaires d’espaces naturels, permettant une meilleure gestion de la biodiversité par ces professionnels. L’application est par ailleurs utilisée dans un grand nombre de programmes éducatifs, et est reconnue par le Plan Biodiversité du ministère de la Transition écologique et solidaire comme l’une des solutions à un nécessaire changement d’échelle dans l’éducation à l’environnement des citoyens et dans la prise en considération de la biodiversité dans toutes les activités humaines.