L’IA au ministère de l’Économie et des Finances : l’analyse et les recommandations de la Cour des Comptes

Alors que le ministère de l’Économie et des Finances a recours à l’IA depuis 2015, la Cour des comptes a récemment publié le rapport “L’intelligence artificielle dans les politiques publiques : l’exemple du ministère de l’Économie et des Finances”. Elle y examine les gains apportés par la mise en œuvre de l’IA, soulignant la nécessité de structurer le pilotage de l’IA et proposant plusieurs recommandations pour évoluer vers une IA publique de confiance. 

Les observations de la Cour des comptes portent sur la période 2015-2023.

Fin 2023, les directions et services du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN) étudiaient, développaient ou exploitaient au total 35 systèmes d’IA : treize étaient déployés et exploités, huit en cours de développement et 14 envisagés ou étant l’objet d’une étude de faisabilité.

Selon le bilan de la Cour des comptes, les projets d’IA ont généré plus de 20 millions d’euros d’économies annuelles en 2022, un montant nettement inférieur aux 46,6 millions € attendus.

Un déploiement diversifié, dominé par la gestion fiscale et la détection des fraudes.

L’IA est inégalement intégrée dans les directions du MEFSIN. Certaines, comme la direction générale du Trésor, n’ont pas de projets IA, malgré leur potentiel dans la modélisation et la prévision économique.

Selon la Cour des comptes, les systèmes d’IA recensés concernent la fiscalité, les contrôles douaniers, la lutte contre le blanchiment, la statistique publique, le droit de la consommation, les aides aux entreprises, la sécurité économique, le contrôle réglementaire de la dépense publique ou encore les relations avec les fournisseurs de l’État.

La Cour estime à 66,3 M€ le montant total des coûts de développement des 35 SIA recensés, soutenus à hauteur de 30,2 millions d’euros par le Fonds de Transformation de l’Action Publique (FTAP).

La DGFiP et l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) sont les principaux utilisateurs de systèmes d’IA : les projets de la DGFiP représentent avec 60,1 M€, 91% des investissements de développement, ceux de l’AIFE, 5 %, et ceux de la Direction générale des Entreprises, (DGE), 2 %, soit à eux trois, 98 % des investissements de développement au sein de ce ministère depuis 2015.

Un suivi incomplet et des hypothèses budgétaires trop optimistes

Les coûts présentés par la DGFiP sont concentrés sur deux projets : le projet CFVR, Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes,(26,5 M€) et le programme Foncier innovant (27,3 M€).

Selon la Cour, l’écart entre les économies prévues et réalisées s’explique principalement par un suivi incomplet des projets, notamment pour Foncier Innovant. Pour CFVR, bien que les jalons opérationnels soient détaillés, aucune explication n’est fournie pour l’écart entre les économies prévues (27,8 M€) et celles réalisées (16,3 M€). Des hypothèses budgétaires élevées et insuffisamment justifiées de la DGFiP, comme le coût moyen des ETP (Équivalent Temps Plein) économisés pour CFVR (estimé initialement à 79 400 € contre 36 000 € réels en 2022), sont également mises en cause. De plus, les recettes fiscales attendues pour Foncier Innovant, projetées à 130 M€ d’ici 2022, n’ont atteint que 4,4 M€ en recettes pérennes et 5,7 M€ en rectifications pour les neuf départements pilotes. La DGFiP prévoit désormais 40 M€ de recettes après sa généralisation en 2023.

Les recommandations de la Cour des comptes

En matière de risques, le MEFSIN a mis en place des mesures pour sécuriser les compétences internes et protéger les données personnelles. Cependant, les préoccupations éthiques, les effets sur les ressources humaines et le coût environnemental de l’IA sont insuffisamment maîtrisés. Le rapport préconise la création d’une instance de pilotage ministérielle pour assurer une “IA de confiance” au sein du MEFSIN. Cette instance établirait des critères pour garantir la transparence, l’équité, la sécurité et la durabilité des systèmes IA. Elle permettrait également d’anticiper l’évolution des métiers et de promouvoir une utilisation responsable et frugale de l’IA dans l’administration.

La Cour recommande également la création d’un incubateur IA au sein du ministère avec l’aide de la Dinum, il apporterait un appui technique aux directions dont les moyens de data science sont limités.

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