Dans le cadre d’une mission, plusieurs chercheurs ont capturé in situ des images de la floraison printanière planctonique dans l’océan arctique, ce qui a permis la formation d’une immense base de données. Une équipe du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV) de Sorbonne Université et du Laboratoire de Recherche International Takuvik de l’Université Laval au Canada, ont développé une méthode pour caractériser et catégoriser ces millions d’images de planctons et de particules de neige marine. Leur solution exploite l’intelligence artificielle et plus précisément un réseau de neurones convolutif afin de fonctionner.
Les défis de l’observation marine
L’observation marine est un processus difficile à mettre en place, le milieu marin imposant de lourdes contraintes techniques comme la corrosion, la pression, sans parler de son immensité : les écosystèmes pélagiques (relatif à la haute mer) occupent le plus grand espace de vie de notre planète tout en participant aux grands équilibres climatiques et biogéochimiques. La période 2020-2030 est considérée pour l’Intergovernmental Oceanographic Commission (IOC) de l’UNESCO comme “la décennie des océans” et soutient tout particulièrement les efforts d’observation.
Les particules et agrégats dérivant de l’activité du plancton en surface sont également très complexes à observer, car elles sont fragiles : c’est ce que l’on appelle la “neige marine”. Durant les 20 dernières années, des caméras sous-marines furent conçues par une équipe du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche pour obtenir des informations sur chacun des objets potentiellement présents dans l’eau.
Avec ces appareils, une dizaine de millions d’images de planctons et de neige marine ont pu être prises et enregistrées. Maintenant qu’une base de données est formée, il est important de les identifier et de les trier afin de comprendre la dynamique de la production biologique au niveau de la surface des océans. À l’avenir, les caméras contribueront à une observation massive des océans, ce qui augmentera le flux d’images et d’informations à traiter.
Les images nécessaires à la création de la nouvelle méthode ont été acquises par la caméra développée au LOV durant la période de floraison planctonique au niveau de la banquise arctique, à la baie de Baffin et dans le détroit de Fram entre 0 et 1000m de profondeur.
La création d’une méthode de caractérisation et de catégorisation grâce à un réseau de neurones convolutifs
Deux articles publiés en janvier et mai dernier évoquent une méthode capable de caractériser et catégoriser les banques d’images de neige marine et de planctons :
- La première publication intitulée Trait-based approach using in situ copepod images reveals contrasting ecological patterns across an Arctic ice melt zone fut écrite par Laure Vilgrain, Marc Picheral, Jean-Olivier Irisson et Sakina-Dorothée Ayata, du Laboratoire d’océanographie de Villefranche, ainsi que par Frédéric Maps, Marcel Babin et Cyril Aubry, du Laboratoire de Recherche International Takuvik.
- Le second article se nomme Marine snow morphology illuminates the evolution of phytoplankton blooms and determines their subsequent vertical export et a été rédigé par Emilia Trundnowska, de l’institut océanographique polonais, Léo Lacour et Marcel Babin, du Laboratoire de Recherche International Takuvik, Andreas Rogge, de l’institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine à Bremerhaven en Allemagne, Anya M. Waite, du département d’océanographie de l’Université Dalhousie, ainsi que par Mathieu Ardyna et Lars Stemmann, du Laboratoire d’océanographique de Villefranche.
Dans ces deux articles, on retrouve cette solution qui permet :
- De synthétiser l’aspect visuel de chacune des images collectées pour accéder aux caractéristiques individuelles des organismes planctoniques
- De catégoriser objectivement les images de neige marine présentant un continuum d’aspect.
Les images acquises furent classées dans des groupes biologiques grâce à un réseau neuronal convolutif tout en validant ce classement par des experts taxonomistes, ce qui permet de séparer les images de différents organismes du plancton de celles de la neige marine. Des descripteurs morphologiques mesurés sur chaque objet ont été exploités pour déterminer les caractéristiques visuelles principales des images de plancton et de neige marine.
Avec cette méthode, les chercheurs ont pu associer des informations supplémentaires aux organismes et à la neige marine pour comprendre le fonctionnement de l’écosystème marin. Cette solution pourra être utilisée pour de nombreuses applications comme pour estimer précisément les flux verticaux de particules biogènes dans les premiers kilomètres des océans, qui ont un potentiel impact sur la régulation du climat. Toutefois, les chercheurs ont conscience du fait que la caractérisation et la catégorisation des images sous-marine sont encore à perfectionner.