Ce mardi 3 mai, le Parlement européen a adopté les recommandations finales de sa commission spéciale sur l’intelligence artificielle à l’ère numérique (AIDA). Les députés ont ainsi mis en avant que l’utilisation de l’intelligence artificielle présente des avantages énormes pour traiter les problématiques du changement climatique, des pandémies et du marché du travail. Ils ont également alerté sur les risques posés aux droits fondamentaux, notamment au respect de la vie privée.
Les recommandations finales d’AIDA ont été adoptées par 495 voix pour, 34 contre et 102 abstentions au Parlement européen.
La commission AIDA et les prochaines étapes
La commission spéciale sur l’intelligence artificielle à l’ère numérique a débuté ses activités en septembre 2020. Dans son mandat, elle avait pour mission d’analyser l’incidence de l’IA sur l’économie de l’UE et ses différents secteurs, d’analyser la stratégie des pays tiers vis-à-vis de l’IA et de tracer la voie à suivre. La commission a organisé un certain nombre d’auditions et de débats pour contribuer à son rapport final, qui vise à établir une feuille de route de l’IA jusqu’en 2030.
Le rapport alimentera les prochains travaux parlementaires sur l’IA, en particulier la législation sur l’IA qui est actuellement examinée par les commissions du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) et des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE). La législation sur l’IA doit faire l’objet d’un vote conjoint des deux commissions à la fin du mois de septembre.
Se relancer dans la course à la suprématie technologique mondiale
Le texte précise que le débat public sur l’utilisation de l’IA devrait se concentrer sur son énorme potentiel destiné à compléter le travail humain. Il indique que l’UE est à la traine dans la course à la suprématie technologique mondiale. De ce fait, elle risque de voir les prochaines normes en matière d’IA se développer à l’étranger, souvent par des acteurs non démocratiques. L’Union doit pourtant agir en tant que référence mondiale sur ce sujet, selon les députés.
Le président de la commission AIDA, Dragoș Tudorache, a indiqué :
« Notre future compétitivité dans le secteur numérique dépend des règles que nous élaborons aujourd’hui. Ces règles doivent être conformes à nos valeurs: la démocratie, l’État de droit, les droits fondamentaux et le respect de l’ordre international fondé sur des règles.
Il est essentiel que nous y parvenions, car le fossé entre l’autoritarisme et la démocratie n’a de cesse de s’agrandir, emportant avec lui de plus en plus de vies, comme nous le voyons avec l’invasion injustifiée de la Russie en Ukraine. »
Les parlementaires européens ont identifié plusieurs options stratégiques qui pourraient débloquer le potentiel de l’IA sur le plan de la santé, de l’environnement et du changement climatique. En outre, cette technologie pourrait contribuer à la lutte contre les pandémies et la famine mondiale ainsi qu’améliorer la qualité de vie des citoyens via la création de médicaments personnalisés. D’après les eurodéputés, si elle est conjuguée au soutien nécessaire aux infrastructures, à l’éducation et aux formations, l’IA peut aussi accroitre la productivité du capital et du travail, contribuer à l’innovation, entrainer une croissance durable et créer des emplois.
L’Union ne devrait pas réglementer l’IA en tant que technologie, estiment les députés, et le niveau d’intervention réglementaire devrait être proportionnel au type de risque induit par l’utilisation d’un système d’IA.
Risque de surveillance de masse
Tout en reconnaissant la volonté de l’UE de nouer un accord mondial sur des normes communes dans le but de garantir une utilisation responsable de l’IA, les députés invitent les démocraties partageant les mêmes idées à œuvrer pour relever ensemble ce défi à l’échelle internationale. Ils soulignent également que les technologies d’IA pourraient susciter de grandes questions d’ordre éthique et juridique, soulevant des inquiétudes sur la recherche militaire et les avancées technologiques en matière de systèmes d’armes létales autonomes.
Le rapporteur Axel Voss a déclaré :
« Avec ce rapport, nous démontrons clairement que l’IA stimulera la numérisation et qu’elle changera la donne dans la course mondiale à la numérisation. À cet égard, notre feuille de route sur l’IA place l’UE en pole position.
Désormais, l’UE doit profiter de cette occasion unique pour mettre en avant une approche en matière d’IA fiable et centrée sur l’humain; une approche fondée sur les droits fondamentaux, qui contrôle les risques tout en tirant pleinement profit des avantages que l’IA apporte à l’ensemble de la société. Nous avons besoin à la fois d’un cadre réglementaire ouvert à l’innovation et d’un marché unique numérique harmonisé avec des normes claires, ainsi que d’un maximum d’investissements et d’une infrastructure numérique durable accessible à tous les citoyens. »
Par ailleurs, le Parlement observe que certaines technologies d’IA permettent l’automatisation du traitement d’informations à une échelle sans précédent, ouvrant la voie à la surveillance de masse et d’autres ingérences illégales dans les droits fondamentaux. À ce titre, les députés mettent en garde contre l’usage que de nombreux régimes autoritaires pourraient faire de l’IA pour contrôler, exercer une surveillance de masse, catégoriser leurs citoyens et restreindre leur liberté de mouvement, tandis que les plateformes technologiques dominantes utilisent l’IA pour obtenir plus d’informations personnelles sur leurs utilisateurs. Pour les députés, ce recours au profilage présente un danger pour les systèmes démocratiques.
Par conséquent, selon le Parlement, l’UE devrait élever au rang des priorités la coopération internationale avec les partenaires partageant les mêmes idées afin de protéger les droits fondamentaux tout en coopérant pour atténuer les nouveaux risques technologiques.