Le Paris Machine Learning Meetup

Frédéric Bardolle, à la tête de l’incubateur numérique du ministère des Armées, considère que « la qualité des intervenants est incroyable, et les sujets évoqués sont très variés et toujours passionnants. »

Mehdi Benhabri, haut fonctionnaire spécialiste des questions scientifiques et technologiques, résume sa participation en ces termes : « Le Paris Machine Learning est rapidement devenu l’un des plus grands rassemblements de France sur les thématiques de l’intelligence artificielle en général et du machine learning en particulier. Le dynamisme de ses animateurs a permis de mobiliser des compétences de haut niveau dans un cadre original et peu formel afin d’échanger de manière libre et approfondie, sans les rigidités et les contraintes du monde académique. »


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Une identité et une charte

Au cours des réunions suivantes, nous peaufinons les valeurs de notre groupe et esquissons notre charte. À savoir une structure plate, sans cooptation. Son but est de donner aux membres le point de vue des chercheurs les plus prometteurs du domaine, d’éviter les discours de vendeurs de solutions techniques, de couper les pitchs et les présentations éclair à la mode dans les startups numériques. Mais également de filtrer et de rejeter sans ambiguïté les tentatives d’exploitation douteuses des algorithmes, parmi lesquelles : les algorithmes de détection d’orientation sexuelle, la recherche des traits du visage caractéristiques des criminels, ou encore la façon de dessiner un visage à partir de la voix.

L’Eurovision du machine learning chez Google

Un an plus tard, forts de nos mille premiers membres, Google nous ouvre les portes de son immense salle de conférence parisienne et met toute son infrastructure à disposition pour une soirée. Le défi ? Retransmettre les interventions des spécialistes IA en direct à Paris, Londres, Berlin et Zurich.
Le point d’orgue de la soirée est Andrew Ng, cofondateur de Google Brain, professeur à Stanford et star mondial de l’IA. Son credo ? « L’IA est une nouvelle électricité. Elle s’immisce dans tous les objets comme l’électricité l’a fait au début du siècle. »

Après cette première saison, le ton est donné. S’enchaînent au fil des sept saisons différents formats et déclinaisons, présentations à distance avec des chercheurs à l’autre bout du monde, hackathons, concours de code et hors-série thématiques : data journalism par le responsable data du New York Times, attaques adverses, finance algorithmique, automatic machine learning, robotique et IA, calcul haute performance.

Andrew Ng, professeur à Stanford, cofondateur de Google Brain (division de recherche fondamentale IA de Google) a très largement contribué à populariser les méthodes et les techniques de l’intelligence artificielle, particulièrement à travers son célèbre cours en ligne Coursera, passage obligé pour tous les codeurs d’IA.

Partage d’expertise

Cas d’usage d’entreprises et algorithmes data

En France et dans le monde, des communautés d’experts data et IA se constituent. Toulouse, Marseille, Nantes. Amsterdam, Stockholm, New York, Boston, San Francisco. Aucune ville n’est en reste. Pour quelle raison ? Parce que l’accélération prodigieuse du rythme d’apparition de technologies déstabilisantes provoque un besoin de formation et une soif de compréhension immédiate, peu en adéquation avec le rythme des formations longues.

En effet, ce que désirent les ingénieurs, les programmeurs et les entrepreneurs est de comprendre immédiatement ce qui est en train de se jouer et qui chamboule l’économie. Comment appliquer les algorithmes à leur métier ?
Quant à l’offre d’expertise, elle est tout aussi abondante.

Facteur H, l’humain dans la boucle

Au-delà d’une soif de connaissances techniques, le plaisir des rencontres informelles et du réseautage est un élément important. Gautier Marti, un Français spécialiste des algorithmes machine learning travaillant à Abou Dabi pour un fonds souverain nous confiait que « les rencontres du Paris Machine Learning sont une source de veille technologique. Elles permettent de découvrir de nouveaux outils et de confronter ses idées à la réalité ou à l’expérience d’autres experts. »

Lors de ces rencontres, des fondateurs d’entreprise se sont rencontrés et ont créé leur entreprise. Nicolas Gaude, cofondateur de la startup Prevision.io, fait part de son expérience en ces termes : « Ce fut pour moi un vrai déclic. Avec l’aide de Franck Bardol, d’Igor Carron et les conseils des experts présents, j’ai pu vraiment progresser techniquement et donner corps à mon projet. »

Jacques-Henri Gagnon, directeur adjoint des services culturels et chef des relations universitaires à l’ambassade du Canada à Paris, ajoute : « Le Paris Machine Learning m’a donné accès à ce large réseau et a aussi été le point de départ d’échanges franco-canadiens ce qui, dans mon sec-teur d’activité, est le cœur de métier. » Le groupe a fait office de facilitateur pour nombre de ses membres, des ingénieurs y ont été recrutés, des sociétés ont initié des partenariats et des rachats.

Pour conclure, cette phrase de Théodore Levitt, le père fondateur du marketing s’adressant à ses étudiants, résume bien l’esprit de cette communauté : « Le client ne veut pas une mèche de perceuse. Il veut un trou dans le mur. »

Jürgen Schmidhuber, découvreur des LSTM au début des années 2000, a rendu cet apprentissage possible grâce à des données temporelles, ordonnées et horodatées. Ses réseaux récurrents temporels LSTM analysent désormais les données de capteurs des chaînes de production d’usines et permettent de prédire les valeurs futures. On lui doit le traitement efficace des motifs temporels à l’aide de réseaux de neurones spécialisés. Il était revenu sur la genèse de sa découverte dans une réunion et avait partagé les voies d’amélioration de ses méthodes. L’avenir lui a donné raison. Depuis lors, les architectures transformers ont révolutionné la traduction automatique et tout le traitement du langage par des algorithmes.

Gaël Varoquaux, Alexandre Gramfort et Olivier Grisel : ce trio d’ingénieurs et scientifiques français est la tête pensante de la librairie machine learning la plus utilisée au monde, dont les statistiques sont impressionnantes.

C’est la seconde librairie la plus téléchargée au monde derrière la célèbre TensorFlow de Google, avec 700 000 utilisateurs et 42 millions de visites sur le site internet. Son nom ? Scikit-learn. Tous les codeurs du machine learning ne jurent que par elle. Son mérite est de mettre à disposition de n’importe quel programmeur des millions de lignes de code optimisées, pensées et calibrées par les plus grands spécialistes de l’ingénierie. Son prix ? Inestimable. Elle est gratuite et en open source. Elle représente la plus grande réussite de démocratisation du machine learning.

De nombreuses années en arrière, ces trois chercheurs étaient venus initier les membres du Paris Machine Learning au fonctionnement de leur outil Scikit-learn dès la première réunion.

Alexandre Gramfort nous confiait que « cela a été pour moi une belle opportunité de présenter ma recherche. » Depuis, Alexandre, Gaël et Olivier ont été récompensés par le prix Inria – Académie des sciences.

François Chollet, malgré son jeune âge, est une star de l’IA. Et pour cause, ce Français, chercheur chez Google Brain, a écrit la librairie de deep learning nommée Keras. L’avantage de cette librairie est de simplifier et masquer la complexité du deep learning. Le même esprit que Scikit-learn en somme. La reconnaissance ne s’est pas fait attendre. Désormais, Keras est livrée par Google en même temps que les autres programmes deep learning de cette société. Nous l’avions reçu dans une réunion hors-série qui lui était consacrée. François Chollet est également l’auteur d’un ouvrage de référence sur le deep learning. Jacqueline Forien a traduit cet ouvrage en français¹ et poursuit ainsi la démocratisation des algorithmes IA.

Yoshua Bengio, un des co-découvreurs du deep learning, avait évoqué dans une réunion les difficultés d’apprentissage ainsi que les solutions envisagées.
À cette période, le deep learning était encore balbutiant. Ce n’est désormais plus le cas et nous le devons en grande partie à ses travaux.
Les algorithmes de ces découvreurs fonctionnent au quotidien et inspirent les logiciels IA d’entreprises. Leur passage par le Paris Machine Learning a été une source profonde d’inspiration.

Les algorithmes d’apprentissage ont révolutionné des pans entiers de l’ingénierie et rendu possible ce qui tenait jusqu’alors du domaine du rêve des ingénieurs.

La robotique dans tous ses états

La robotique figure en bonne position dans ce chamboulement. Pierre Sermanet, jeune chercheur français dans le groupe robotique de Google² y avait consacré plusieurs conférences. « Mes recherches explorent l’intersection du langage³ et du jeu et mobilisent de multiples mécanismes pour l’apprentissage robotique ». Interrogé sur l’avenir de sa discipline, il répond : « Les avancées récentes autour de l’apprentissage sur des données massives de langage non labellisées (notamment les modèles GPT d’OpenAI) sont impressionnantes et prometteuses, le même type d’approche appliquée à la vidéo et à la robotique me paraît très prometteur ».

Le coup de force du deep learning

S’il est un domaine qui a connu une véritable révolution, c’est bien l’analyse d’images.
Impossible de ne pas évoquer l’apport du machine learning dans l’analyse et la compréhension des images. Le point de bascule a lieu au moment de la fondation du Paris Machine Learning. Grâce à sa nouvelle méthode de réseaux de convolution, Geoffrey Hinton réalise un tour de force dans la compétition ImageNet. Il écrase les méthodes traditionnelles d’analyse d’images et y impose les techniques de deep learning comme nouveau standard.

Dominique Cardon, directeur du Médialab de Sciences Po et auteur d’un des ouvrages de référence⁴ sur le sujet, était venu nous en faire un récit épique au cours de la centième réunion du groupe tenue dans les locaux inspirants de la startup Scaleway. Voici quelques morceaux choisis de son récit publié depuis dans un article intitulé La revanche des neurones⁵.
« L’épisode est en passe de devenir légendaire dans l’histoire de l’informatique ». Un chercheur interrogé par Dominique Cardon se souvient : « En 2012, Hinton débarque dans la compétition ImageNet et crée un véritable séisme !

Il ne connaît rien au domaine de la vision par ordinateur et il embauche deux petits gars pour tout faire sauter !
À l’époque, les ingénieurs de computer vision s’excitent sur ImageNet depuis deux ou trois ans. Le meilleur d’entre eux était à 27 % d’erreurs. Hinton, lui, marque dix points à tout le monde ! Ce jeune geek arrive et annonce le résultat devant une salle bondée. Un ado qui ne comprend rien à ce domaine, enfermé dans ses algorithmes !
Tous les grands manitous du computer vision essaient de réagir : En fait c’est pas possible, ça va pas marcher… Au final, les mecs étaient tous abasourdis parce que grosso modo cela foutait en l’air dix ans d’intelligence, de tuning et de sophistication. »
Ce récit savoureux nous fait vivre de l’intérieur la révolution initiée par les algorithmes d’apprentissage. Les méthodes d’expertise manuelle fine sont balayées par la science “à la Google” qui allie big data et algorithmes IA.

Du laboratoire à la startup

Depuis, les ingénieurs et docteurs en IA ont transformé ces algorithmes encore balbutiants en produits finis redoutables d’efficacité. Des exemples ? LightOn, startup technologique cofondée par Igor Carron, révolutionne l’informatique grâce à sa puce optique. Le résultat ? Des calculs à la vitesse de la lumière et une empreinte énergétique minime grâce à sa technologie de rupture. Le meilleur des mondes en somme.

Meero, une autre pépite technologique, automatise la retouche photo grâce à ses algorithmes AI entraînés sur des millions de photographies.
Jean-François Goudou, son directeur R&D nous avait décrit l’algorithme machine learning de restauration et d’amélioration automatique d’images lors d’une réunion au siège de Samsung. « Les premiers retours clients sont très très positifs. » nous confia-t-il.

Tony Pinville, fondateur, aux côtés de Charles Ollion, de Heuritech, une startup spécialiste de ces mêmes algorithmes IA d’analyse d’images, avait ouvert pour nous le capot de ses algorithmes. Il nous confie : « Le meetup Paris Machine Learning a été un mouvement précurseur de l’IA que Heuritech a eu la chance de rejoindre au tout début. », et ajoute : « Pour notre part, nous utilisons une technologie de reconnaissance visuelle qui analyse chaque jour plusieurs millions d’images de consommateurs et d’influenceurs sur les réseaux sociaux et les traduit en informations riches et pertinentes pour les marques de mode et de luxe.

Pour mieux créer leurs collections, ces marques ont besoin d’informations sur la prévision de tendances et de ventes. Heuritech souhaite combiner ces deux types de prédictions pour mieux les accompagner. » Depuis, la récompense est venue naturellement. Heuritech a reçu le prix LVMH de l’innovation des mains de Bernard Arnault.

Déplacement de l’expertise

Malgré ces succès et avancées spectaculaires, la fabrication des programmes de machine learning demeure artisanale et reste une affaire de spécialistes et d’experts. Les data scientists procèdent le plus souvent par tâtonnements et essais-erreurs lorsqu’ils élaborent un algorithme de machine learning.

C’est à ce déplacement de l’expertise auquel nous assistons depuis dix ans. Auparavant, le cœur de la création de valeur dans les entreprises était la production de règles métiers par les experts. Désormais, ces règles émergent des données grâce aux algorithmes auto-apprenants.

L’expertise des ingénieurs IA qui les conçoivent consiste à choisir l’algorithme le plus approprié pour un jeu de données particulier, puis à l’étalonner et à le dimensionner à la bonne puissance. Pour les entreprises qui mobilisent des technologies IA, la sélection d’algorithmes et d’architectures matérielles et logicielles s’est substituée à la conception des règles métiers traditionnelles.

Les programmes d’IA proposent une mécanisation de l’intuition et de la connaissance métier de l’expert humain. Nous en sommes au premier stade. Un courant de recherche visant à automatiser tout ou partie de la chaîne de fabrication des programmes d’IA s’est mis en place. Il s’agit du second stade, celui qui consiste à « automatiser l’automatisation ». En effet, en induisant la production automatique des règles par un programme d’ordinateur, le machine learning représente une automatisation de la pensée d’experts. Cette voie se nomme AutoML, pour Automatic Machine Learning.

L’AutoML, futur du machine learning ?

Le Paris Machine Learning a participé à l’organisation de concours et de hackathons AutoML. Ce fut le cas du concours RAMP du Paris-Saclay Center for Data dirigé par Balázs Kégl, intervenant lors d’une rencontre consacrée à l’apport du machine learning pour la physique théorique au laboratoire européen du Cern, la data au service des particules atomiques. Ou encore du concours ChaLearn organisé par Isabelle Guyon et du défi européen See.4C assorti d’un prix de deux millions d’euros pour les gagnants. Le laboratoire d’innovation ouverte La Paillasse hébergeait ces rencontres grâce au soutien énergique d’un de ces dirigeants, Sébastien Treguer.

Isabelle Guyon confie que le Paris Machine Learning « a facilité l’organisation de hackathons et la diffusion des challenges en machine learning. »

L’histoire ne s’arrête pas là. « La série de challenges AutoML a permis la création d’Auto-Sklearn⁶ ». En ce qui concerne le deep learning, « la série de challenges AutoDL a abouti à un self-service de deep learning automatisé. »
Pour nous, l’AutoML constitue un axe de développement majeur pour les années à venir. Tous les acteurs importants sont désormais entrés dans la course. Parmi les avancées récentes, citons les méthodes Neural Architecture Search (NAS), en particulier Neural Network Intelligence (NNI) de Microsoft, ou encore Evolved Transformer de Google.

Dans un futur proche, l’expertise technique du data scientist ne sera donc plus nécessaire pour construire des programmes auto-apprenants. Le programme de recherche intitulé Automatic statistician et conduit par Zoubin Ghahramani de l’université de Cambridge, en collaboration avec le MIT, illustre parfaitement cette vision. Ghahramani nous en avait partagé les méthodes et les enjeux.

À terme, seule sera nécessaire une équipe restreinte de data scientists chargés d’améliorer les procédés automatiques de découvertes de règles. Tous les autres redeviendront des programmeurs traditionnels. Ils fourniront des données d’entraînement et obtiendront en retour, sans aucune expertise en la matière, le meilleur programme IA imaginable.

Parmi ceux qui mettent au point ce type de service automatisé de haut niveau, Nicolas Gaude, précédemment cité, nous décrit son activité en ces termes : « Mon métier consiste avant tout à démocratiser l’usage de l’A en apportant aux entreprises à la fois les innovations techniques et la capacité de les mettre en production. Ce qui nous préoccupe, et de loin, est de rendre accessible et opérable le machine learning sur le long terme. »

Quand les algorithmes deviennent un sujet de société

Les algorithmes de machine learning interprètent le monde avec un filtre statistique afin de nous guider dans nos choix.

Ce faisant, ils agissent sur la société et en transforment les pratiques et les usages. Ainsi, lorsqu’un algorithme de GPS suggère aux automobilistes pressés un itinéraire secondaire moins encombré, il peut créer simultanément un problème d’aménagement du territoire, l’itinéraire secondaire n’étant pas dimensionné, par nature, à subir cette augmentation de trafic. De plus, les nuisances sonores et la pollution engendrées par ce dernier touchent les riverains. L’algorithme crée donc également un problème de santé publique.

Dominique Cardon résumait ces points en 2017 lors d’une conférence consacrée aux biais des algorithmes à l’institut Henri Poincaré. Selon lui, « les algorithmes deviennent un sujet de société. » Ajoutons qu’ils deviennent un sujet politique. Un exemple frappant ? Le Zimbabwe a vendu une base de données contenant les visages de ses citoyens à la Chine.

Son but ? Entraîner les algorithmes de reconnaissance faciale sur des visages noirs. En échange de cette masse de données, le Zimbabwe sera bientôt équipé de caméras à reconnaissance faciale dernier cri…
Lors de cette conférence, Cédric Villani proposait une réflexion sur l’apport des algorithmes prédictifs dans l’entreprise. Il notait avec pertinence que les algorithmes devaient au préalable être acceptés avant d’être utilisés. En effet, un algorithme sans accompagnement ne sert à rien, un travail doit être effectué en amont. Cédric Villani nous rapportait une expérience réussie au cours de laquelle des salariés valident les décisions du programme IA et gardent ainsi la main sur la machine. Dans le cas contraire ? Il n’est pas rare de voir les salariés entrer en lutte “souterraine” contre ces programmes en les nourrissant, par exemple, de fausses données.

En somme, c’est l’illustration du fossé qui sépare l’IA capacitante de l’IA substitutive. Pour l’une, il s’agit de remplacer le salarié, pour l’autre il s’agit de le renforcer.

Franck Bardol pour sa part prolongeait cette réflexion autour de l’IA de confiance et précisait les points-clés de transparence et de loyauté des algorithmes. Depuis, ces thèmes émergent dans l’actualité du secteur et sont devenus un sujet d’inquiétude.
Pour Pierre Saurel, professeur associé à la Sorbonne, intervenant dans cette conférence, le domaine de l’éducation est également concerné par cette transformation numérique. De plus, les biais algorithmiques y sont tout aussi présents. Il ajoute que « L’analyse de ces biais est un point particulièrement important. Elle permet d’accompagner les enseignants pour identifier, par exemple, des spécificités dans les documents qu’ils peuvent utiliser en classe. »

Dans les coulisses de la conférence NeurIPS

Les grandes conférences scientifiques internationales sont des opportunités d’échanges intenses pour la communauté, mais aussi de moments, qui comme des œuvres d’art, sont révélateurs de tendances fortes.

Le Paris Machine Learning s’est associé avec la conférence NeurIPS afin de mettre à l’honneur quelques-uns des chercheurs francophones sélectionnés pour cette grand-messe. La forme ? Un panel quotidien de cinq intervenants durant la semaine de conférence. Des présentations éclair dans des visioconférences de dix minutes. Du concentré d’état de l’art. Ce qui émerge de cette sélection de chercheurs ? Beaucoup d’efforts consacrés à l’amélioration des méthodes d’apprentissage mais aussi des tentatives d’explorer des pistes totalement inédites.

Les neurosciences et l’explicabilité des algorithmes figurent aussi en bonne place. En somme, une dense semaine de mathématiques et d’algorithmique de haut niveau par des chercheurs de l’INRIA, l’École normale, Telecom Paris, Criteo, Google Brain et Facebook. Mais aussi venant des startups technologiques les plus avancées en recherche, parmi lesquelles LightOn, Hugging Face et Prophesee.

Des groupes de data scientists de Strasbourg, Timisoara en Roumanie et du Cameroun participaient également à cette semaine de mise en valeur de la recherche francophone. Robert Maria, organisateur du groupe de Strasbourg et de Timisoara, ainsi qu’Alain Nkongweni, organisateur du groupe du Cameroun, ont rejoint Jacqueline Forien et Claude Falguière dans l’organisation. Jacqueline est par ailleurs Meetup Chair à NeurIPS.

L’IA en lutte contre la Covid-19

Dès les premiers signes de la pandémie de Covid-19, la recherche scientifique s’est mobilisée. Le machine learning fait partie de l’arsenal mis en œuvre. C’était pour nous une évidence qui s’est traduite par une série d’interventions exclusives sur ce thème durant l’année 2020.

La recherche d’un remède définitif contre la Covid-19 complète la politique sanitaire du Tester – Alerter – Protéger. Chacun de ces éléments est décliné à base de machine learning, depuis les applications de traçage aux tests en masse, en passant par le suivi personnalisé de centaines de milliers de patients, la prévision du nombre de cas, l’estimation de la dangerosité du virus (le fameux R0) ou encore l’équilibre confinement – détection des cas, sans oublier la conception de molécules médicamenteuses.

Ces différents aspects ont été évoqués par Lenka Zdeborová, professeur à l’EPFL, Maximilien Levesque, fondateur de la startup Aqemia, Alexandre Gramfort de l’INRIA, Dror Baron de l’université de North Carolina et Arthur Charpentier de l’UQAM.

Avant de conclure, rappelons des points fondamentaux. Un algorithme ne remplace pas une infirmière. Un robot désinfectant ne se substitue pas à un accueil des patients à l’hôpital. Une application de traçage ne protège de rien. Aucune technique, méthode ou algorithme ne peut se substituer à l’action politique. Franck Bardol avait insisté sur ce point dans une intervention lors de la sortie de l’application de traçage nommée Stop Covid. Tous les éléments pour un fiasco étaient réunis. On connaît la suite. L’IA n’est pas de la magie qui résout tout. Aucune personne sérieuse n’y croit plus. Evgeny Morozov et son ouvrage de référence sur le techno-solutionnisme est passé par là et a balayé ce mythe.

Quel message retenir du Paris Machine Learning ?

Pour conclure, prêtons-nous à un exercice de synthèse difficile. Tentons de prendre du recul sur plusieurs centaines d’heures de prises de parole.

En premier lieu, ce qui frappe est la vitesse d’adoption des algorithmes IA. Yann LeCun, précurseur du domaine, relevait ce point dans sa leçon inaugurale du Collège de France consacrée aux algorithmes IA. Les ingénieurs ont adopté les méthodes du deep learning à une vitesse stupéfiante. Le décalage du cycle innovation-production n’existe pour ainsi dire plus !

Les avancées spectaculaires du deep learning en ce qui concerne le traitement des images et du langage ont très fortement facilité l’adoption du machine learning dans le tissu économique et dans les entreprises.

Au-delà de l’efficacité pure des algorithmes, d’autres préoccupations émergent. Notamment pour tout ce qui concerne le fonctionnement de ces algorithmes. Quelles sont les ressources nécessaires en données, en énergie, en matériel informatique pour entraîner ces algorithmes ? Hormis ces questions liées à la parcimonie des algorithmes, les mathématiciens s’interrogent toujours : « Pourquoi ces algorithmes fonctionnent-ils aussi bien ? » La recette est désormais connue de tous et a fait ses preuves mais la question de pourquoi elle fonctionne si bien reste entière.

Parallèlement à ces enjeux de recherche pure, le grand public, les ingénieurs, les décideurs politiques s’inquiètent du retentissement considérable de ces algorithmes sur nos sociétés. Les data scientists qui en écrivent le code informatique ne peuvent désormais plus se contenter d’être de purs techniciens, pour reprendre les termes de Cathy O’Neil, célèbre mathématicienne data scientist. Les algorithmes sont devenus un objet politique, l’éthique n’est plus une option mais un devoir.

1. François Chollet, L’apprentissage profond avec Python, éditions Machinelearning.fr
2. http://g.co/robotics
3. https://language-play.github.io
4. Cardon Dominique, À quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data, éditions du Seuil, collection « La République des idées », 2015.
5. Cardon Dominique, Cointet Jean-Philippe, Mazières Antoine, « La revanche des neurones. L’invention des machines inductives et la controverse de l’intelligence artificielle », Réseaux, 2018/5 (n° 211), p. 173-220. DOI : 10.3917/res.211.0173.
6. Service de machine learning automatisé

Site internet du groupe : http://parismlgroup.org/
Archives du Paris Machine Learning : https://nuit-blanche.blogspot.com/p/paris-based-meetups-on-machine-lear-ning.html
Lien vers l’inscription : https://www.meetup.com/fr-FR/Paris-Machine-learning-applications-group/

Cet article est extrait du magazine ActuIA. Afin de ne rien manquer de l’actualité de l’intelligence artificielle, procurez vous ActuIA n°16, actuellement en kiosque et sur abonnement :

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