On savait OpenAI en tractations avec plusieurs médias pour entraîner ses LLM sur leurs publications. En France, c’est avec le journal Le Monde que le premier accord a été signé : OpenAI puisera en toute légalité dans le contenu du quotidien pour entraîner ses modèles et enrichir les réponses de ChatGPT. Le Monde, de son côté, s’assure d’une nouvelle source de revenus tout en protégeant ses droits d’auteur.
Si 2023 a été l’année de l’IA générative, elle a été également celle de batailles judiciaires entre les éditeurs, les écrivains, les artistes et les acteurs de l’IA comme OpenAI, Midjourney ou Meta. OpenAI a d’ailleurs été principalement la cible de plaintes comme en témoigne celle du New York Times fin décembre dernier.
Sachant pertinemment que leurs contenus vont aller enrichir les données sur lesquelles sont entraînés les modèles d’IA, leurs auteurs entendent aujourd’hui ne pas laisser les développeurs engranger des bénéfices sur leur dos sans contrepartie. Ce que ces derniers ont compris : Google a ainsi signé en février un accord de licence avec Reddit d’un montant de 60 millions de dollars annuels pour exploiter son contenu.
OpenAI s’est dit prêt à collaborer avec les éditeurs et les créateurs “afin qu’ils tirent profit d’une technologie IA avancée et d’un nouveau modèle de revenus”.
La start-up a signé un accord avec le groupe de presse allemand Axel Springer après avoir conclu un partenariat avec l’Associated Press en juillet dernier, pour partager certains contenus et technologies d’information et examiner des cas d’utilisation potentiels de l’IA générative dans les produits et services d’actualité. Mercredi, elle a annoncé cet accord avec Le Monde mais également un partenariat avec le groupe espagnol Prisa Media.
L’accord de partenariat Le Monde-OpenAI
Les équipes du Monde vont pouvoir exploiter les technologies d’OpenAI pour développer des projets et des fonctionnalités basées sur l’IA tandis que la start-up utilisera son corpus éditorial.
Louis Dreyfus, Directeur général du Monde, et Jérôme Fenoglio, Directeur du Monde, écrivent :
“L’accord prévoit que les références aux articles du Monde soient mises en évidence et systématiquement accompagnées d’un logo, d’un lien hypertexte et des titres des articles utilisés comme références. Les contenus qui nous sont fournis par les agences de presse et les photographies publiées par Le Monde sont expressément exclus”.
Tous deux rappellent qu’ils ont été parmi les premiers en France à signer des accords de droits voisins avec Facebook puis Google. Le droit voisin permet, depuis 2019, aux éditeurs de presse de recevoir une rémunération des plateformes du Web utilisant leurs publications datant de moins de deux ans. Le montant de celle-ci est déterminé à la suite de négociations entre éditeur et plateforme, comme dans le cadre de ce partenariat.
Ils ajoutent :
“Nous espérons que cet accord créera un précédent pour notre industrie. Avec cette première signature, il sera plus difficile pour les autres plateformes d’IA de se soustraire ou de refuser de négocier. De ce point de vue, nous sommes convaincus que l’accord est bénéfique pour l’ensemble de la profession”.
Précisant :
“Il va sans dire que ce nouvel accord, comme les précédents que nous avons signés, n’entravera en rien la liberté de nos journalistes d’enquêter sur le secteur de l’intelligence artificielle en général, et sur OpenAI en particulier”.
Une charte sur l’IA
Comme de nombreuses entreprises et éditeurs, Le Monde utilise des outils d’IA au quotidien, notamment l’outil de traduction de DeepL pour son site web et son application en anglais. Le quotidien teste également la transcription orale de ses articles français dans le cadre d’un accord avec Microsoft.
L’éditeur met l’accent sur la nécessité d’une supervision humaine dans l’utilisation de l’IA. Une fois les articles traduits par DeepL, ils sont ainsi relus par des traducteurs professionnels avant de l’être par des journalistes anglophones, ce qui a d’ailleurs permis de créer des emplois.
Sa charte sur l’IA, récemment adoptée, complète sa charte éthique et déontologique et stipule en autres :
“L’intelligence artificielle générative (…) ne peut en aucun cas remplacer les équipes éditoriales”
mais également :
“L’utilisation de l’IA générative n’est autorisée, que dans des conditions strictement définies, comme outil d’aide à la production éditoriale”.