Le machine learning et des caméras sous-marines pour prédire la répartition mondiale du zooplancton

Dans le cadre d’une collaboration internationale, une équipe de chercheurs du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche sur Mer (LOV, Sorbonne Université/CNRS) a rassemblé un immense jeu de données sur le zooplancton acquis par des caméras sous-marines à l’échelle globale dont l’analyse a permis de modéliser la composition et la biomasse océanique du zooplancton. Les résultats de cette étude intitulée « Global Distribution of Zooplankton Biomass Estimated by In Situ Imaging and Machine Learning » ont été publiés dans Frontiers of Marine Science en août.

Le plancton est constitué d’une grande diversité d’organismes, allant des bactéries aux vertébrés, en passant par les protistes et les algues, vivant à la dérive dans les compartiments aquatiques et marins du globe terrestre et jouant un rôle central dans les chaînes trophiques marines et les cycles géochimiques. Ces organismes, présentant une grande diversité taxonomique et dont la taille va de quelques micromètres à plusieurs mètres, produisent 50% du dioxyde de carbone, permettent la séquestration du carbone et sont à la base de la chaîne alimentaire marine.

Quantifier rapidement leur diversité et leur biomasse dans les océans est essentiel, les satellites, comme Seasat lancé en 1978, peuvent observer le plancton autotrophe à l’échelle globale, mais ils ne peuvent le faire que dans les premiers mètres de surface. Les navires d’expédition, quant à eux, peuvent obtenir des données en profondeur mais de façon locale. De plus, le traitement des échantillons ramenés à bord est souvent long et fastidieux. La biomasse globale du zooplancton est ainsi très mal connue.

L’étude

Pour cette étude, l’équipe a rassemblé un immense jeu de données sur le zooplancton acquis par des caméras sous-marines à l’échelle globale. Son analyse, faite dans le cadre de la thèse en cours de Laetitia Drago au LOV, a permis de modéliser la composition et la biomasse océanique du zooplancton.

L’étude a permis de prédire, pour la première fois, la distribution mondiale de la biomasse de 19 taxons de zooplancton d’un diamètre sphérique allant de 1 à 50 mm, à l’aide d’observations réalisées avec l’Underwater Vision Profiler 5, un instrument d’imagerie quantitative in situ. Après la classification de 466 872 organismes à partir de plus de 3 549 profils (0-500 m) obtenus entre 2008 et 2019 à travers le monde, les chercheurs ont estimé leurs biovolumes individuels et les ont convertis en biomasse en utilisant des facteurs de conversion spécifiques aux taxons.

Ils ont ensuite associé ces estimations de biomasse à des climatologies de variables environnementales (température, salinité, oxygène …), afin de construire des modèles d’habitat à l’aide d’arbres de régression boostés.

Les résultats de l’étude

Les résultats révèlent des valeurs maximales de biomasse zooplanctonique autour de 60° N et 55° S ainsi que des valeurs minimales autour des grands courants marins en rotation, les gyres océaniques, en particulier dans l’hémisphère sud.

Les valeurs les plus faibles de biomasse ont été prédites au nord de 80°N et dans la mer de Weddell, les chercheurs ont également observé une augmentation de la biomasse prévue autour de l’équateur. Les valeurs de biomasse les plus élevées ont été prédites entre 50 et 80 °N, dans les eaux côtières de la mer du Labrador et de la baie de Baffin, ainsi que dans la mer du Groenland. Une biomasse relativement élevée a été prévue autour de ces endroits ainsi que dans le golfe d’Alaska, la mer de Béring et la mer d’Okhotsk. Une bande de biomasse élevée a été prédite entre 40 et 50°S, une région associée au front polaire arctique.

La biomasse intégrée globale (0-500 m) a été estimée à 0,403 PgC. Elle a été largement dominée par Copepoda (35,7%, principalement dans les régions polaires), suivi par Eumalacostraca (26,6%) Rhizaria (16,4%, principalement dans la zone de convergence intertropicale).

L’approche d’apprentissage automatique utilisée ici est sensible à la taille de l’ensemble d’entraînement et génère des prédictions fiables pour les groupes abondants tels que Copepoda (R2 ≈ 20-66%) mais pas pour les groupes rares (Ctenophora, Cnidaria, R2 < 5%). Néanmoins, cette étude offre un premier protocole pour estimer la biomasse mondiale de zooplancton à résolution spatiale et la composition de la communauté à partir d’observations d’imagerie in situ d’organismes individuels.

L’ensemble de données sous-jacent couvre une période de 10 ans, tandis que les approches qui reposent sur des échantillons nets utilisent des ensembles de données recueillis depuis les années 1960. L’utilisation accrue des approches d’imagerie numérique devrait permettre d’obtenir des estimations de la distribution de la biomasse du zooplancton à l’échelle du bassin à l’échelle mondiale dans des délais plus courts à l’avenir.

Sources de l’article :

« Global Distribution of Zooplankton Biomass Estimated by In Situ Imaging and Machine Learning »

Auteurs:

  • Laetitia Drago, Thelma Panaïotis, Jean-Olivier Irisson, Lionel Guidi, Marc Picheral, Lars Stemman et Rainer Kiko de Sorbonne Université, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer;
  • Marcel Babin du Laboratoire international de recherche Takuvik, Océan Québec, Université Laval (Canada) – Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Département de biologie et Québec-Océan, Université Laval, QC, Canada;
  • Tristan Biard du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG), Univ. Littoral Côte d’Opale, Univ. Lille, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), UMR 8187, Wimereux, France;
  • François Carlotti du Département Ecologie Marine et BIOdiversité (EMBIO), M.I.O. Institut Méditerranéen d’Océanologie Bâtiment Méditerranée, Marseille, et du Laboratoire d’Océanographie Physique et Biologique (LOPB), case 901 13288, Marseille;
  • Laurent Coppola de Sorbonne Université, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer et Sorbonne Université, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), OSU STAMAR, Paris;
  • Leep Karp-Boss de l’Ecole des sciences de la mer, Université du Maine, Orono, ME, États-Unis;
  • Fabien Lombard de Sorbonne Université, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer, et l’Institut Universitaire de France (UITA), Paris;
  • Andrew M. P. McDonnell du Département d’océanographie, Université de l’Alaska Fairbanks, Fairbanks, AK, États-Unis;
  • Andreas Rogge de Section Processus benthopelagiques, Alfred Wegener Institute Helmholtz Center for Polar and Marine Research, Bremerhaven, Allemagne;
  • Anya Mary Waite de l’Ocean Frontier Institute and Oceanography Department, Université Dalhousie, Halifax, N.-É., Canada;
  • Helena Hauss du Département de biologie des écosystèmes océaniques, GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel, Kiel, Allemagne;

Frontiers of Marine Science, 09 August 2022 Sec. Ocean Observation
DOI : 10.3389/fmars.2022.894372

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