Malgré une politique publique française proactive et un consensus sur l’importance de l’utilisation des données de santé pour la santé publique, les données hospitalières, de plus en plus nombreuses, restent sous-utilisées. Le Healthcare Data Institute (HDI), convaincu que ces données représentent une opportunité majeure pour moderniser les approches traditionnelles de la santé publique tout en garantissant la viabilité de notre système de santé, a établi un état des lieux de leurs utilisations et propose 32 recommandations pratiques et stratégiques pour accélérer l’utilisation de ces données.
Les données hospitalières peuvent être exploitées pour le suivi et l’évaluation des systèmes et politiques de santé, des produits de santé, mais aussi dans le domaine de la prévention ou encore pour créer des dispositifs médicaux de diagnostic de nouvelle génération.
Alors qu’elles sont de plus en plus abondantes, leur réutilisation pour la recherche et la santé publique, nécessitant un engagement fort et l’utilisation de ressources rares, n’est pas une tâche facile pour les établissements de santé.
Le HDI, think tank dédié à la transformation du système de santé par l’utilisation scientifique et économique des données de santé, s’est rapproché d’eux afin d’identifier les problématiques rencontrées et a construit un outil d’autoévaluation pour les aider à se positionner dans le paysage de la réutilisation des données de santé.
La méthodologie
Un outil a été développé sous la forme de questionnaire avec l’objectif de pouvoir proposer un score multidimensionnel. Ce score comprend une quarantaine d’items, pondérés en fonction des réponses sélectionnées.
Au cours de l’été 2022, une dizaine d’établissements volontaires ont été contactés pour tester ce questionnaire de façon anonyme et confidentielle.
La grande majorité des établissements répondants (70 %) était des établissements publics ou participants au service public hospitalier comme les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC). Tous avaient une activité MCO (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie) et trois établissements publics comportaient une activité mixte de type de soins de suite et réadaptation (SSR) et/ou de psychiatrie (PSY).
Pour la quasi-totalité des répondants, la réutilisation des données se fait sous forme de contrat de partenariats dont 50 % avec des acteurs privés. Les autres types de partenariat restent dans le cadre académique (universitaire ou public).
50 % des répondants ont déclaré disposer d’un pôle dédié et d’une infrastructure type Entrepôt de données de santé (EDS).
Le HDI s’est également intéressé aux données médicales de la médecine de ville (médecins, pharmaciens, kinés, infirmiers, laboratoires d’analyse médicale…) qui, selon lui, nécessiterait également une optimisation de la collecte et du partage des données des patients.
Un bilan mitigé
Ce questionnaire a permis de dresser un bilan mitigé de l’exploitation des données de santé hospitalières : l’utilisation des données de soins pour des usages dépassant la mesure de l’activité est encore trop hétérogène, l’approche multicentrique et la sécurisation des entrepôts, point stratégique dont le cadre a été défini par la CNIL, restent complexes.
Il a notamment mis en lumière :
- Une faible lisibilité de la stratégie, des expériences et des priorités d’usages des établissements ;
- Une difficulté à mener des projets collectifs multi-centriques avec partage des compétences ;
- Une complexité technique et médicale au traitement et à l’interprétation de ces données
- Des moyens et des partages d’expertises limités malgré une première enveloppe nationale débloquée récemment ;
- La plupart des projets se heurtent à des temps de mise en œuvre trop longs et soulèvent la question de la faisabilité et des moyens de lever les freins ;
- Des coûts importants et des organisations parfois peu efficientes afin de pouvoir produire des données de qualité suffisantes pour la santé publique (décision) ;
- Une lisibilité commune des usages insuffisamment partagée entre l’ensemble des acteurs dont les patients ;
- Les structures s’adossent difficilement à des opérateurs tiers pour certains usages dans le cadre de partenariat public-privé maîtrisés et pérennes.
Les recommandations du HDI pour décloisonner l’usage des données de santé
Le HDI propose 32 recommandations originales pour décloisonner l’usage des données de santé, tout en étant alignées et complémentaires avec d’autres travaux récents (Rapport HAS entrepôts de données de santé, octobre 2022) : 20 à destination des établissements de soins, et 12 à destination des autorités/décideurs.
Certaines d’entre elles sont partagées par les acteurs et les établissements, le think tank leur conseille notamment de :
- Intégrer les enjeux des données au plus haut niveau du comité de direction des
établissements de santé ; - Déployer une stratégie nationale claire, portée par plusieurs acteurs (Agence de l’Innovation en Santé, Health Data Hub, Assurance maladie, Santé Publique France, etc.) dotée de priorités de santé publique et de plans stratégiques de données subséquents ;
- Mettre en place un observatoire national de l’usage des données de santé hospitalières
pour apprécier la pertinence des politiques déployées, favoriser l’échange d’expérience
entre les structures, et mesurer les effets des futures initiatives européennes sur le territoire national. L’ensemble des acteurs de l’écosystème doivent être représentés au sein de l’observatoire (fédérations, institutions, think tank, accélérateurs, bioclusters, etc.) ; - Adapter les modèles de financements publics pour les producteurs de données utilisables dans le cadre de l’évaluation des produits de santé et de santé publique ;
- Labelliser des circuits de partage et d’exploitation de données et cibler des investissements sur des structures publiques/privées en capacité de produire des données de qualité.
Ces recommandations visent à accélérer la mutation engagée en faveur d’une utilisation optimale des données, au bénéfice de la recherche et de la prise en charge des patients. Le HDI appelle les pouvoirs publics à impulser une stratégie ciblée sur des besoins de santé publique urgents, il organisera d’ailleurs des rencontres afin de mobiliser les acteurs et de renforcer une vision commune autour de la réutilisation des données.
Pour retrouver les résultats de l’enquête menée auprès des structures de soin et l’ensemble des recommandations, consultez le position paper “Génération et exploitation des données hospitalières à visée de recherche en santé publique et en épidémiologie”.