Dans le cadre d’un partenariat entre la start-up Safety Line et Inria, des chercheurs de l’institut national de recherche en informatique et en automatique vont être appelés à exploiter les données enregistrées par les avions durant leurs vols commerciaux. Afin de baisser la consommation de kérosène des appareils, un modèle a été développé pour optimiser les plans de vols en ce sens. Le machine learning et l’analyse de données complexes sont au centre du projet.
Inria et Safety Line : partenaires depuis plus de cinq ans
Il y a cin ans, la start-up Safety Line et Inria ont lancé l’Inria Innovation Lab OSCAR (OptimiSation of Consumption for AiRplanes), un laboratoire visant à améliorer le développement de la suite logicielle OptiClimb. Ces outils permettent aux compagnies aériennes de programmer plus facilement leurs vols, et de piloter des performances opérationnelles.
En 2020, les deux institutions ont proposé Perf-AI en réponse à l’appel à projets CleanSky du programme européen Horizon 2020. L’objectif était de proposer une réponse aux défis de réduction de la consommation énergétique d’avions de ligne. Deux chercheurs, Vincent Vandewalle, maître de conférence en mathématiques et statistiques à l’université de Lille, et Florent Dewez, postdoctorant à Inria Lille – Nord Europe, épaulés par l’ensemble de l’équipe MODAL (Models for Data Analysis and Learning) ont développé un outil répondant à cet enjeu de taille.
Machine learning et analyse de données complexes
Les chercheurs, soutenus par Safety Line, ont développé une méthode d’analyse des données de vols pour optimiser et améliorer les performances aéronautiques des avions de ligne. Le modèle utilise le machine learning et est entrainé grâce à la grande quantité de données que peuvent produire les boites noires. Les données des avions ont été récupérées grâce aux enregistreurs à accès rapide, les Quick Access Recorder (QAR), qui emmagasinent un grande nombre d’informations relatives au comportement de l’appareil.
Avec ces données, une vingtaine de variables ont été exploitées : vitesse de vol, altitude, consommation de kérosène, puissance développée par les moteurs, la température de l’air, l’angle, la pression atmosphérique, etc.
À l’heure actuelle, ces données ne sont que peu exploitées par les constructeurs alors qu’elles pourraient être une mine d’informations pour comprendre le fonctionnement des avions, et améliorer leurs performances afin notamment de réduire la consommation de carburant. C’est pour cela que Vincent Vandewalle a souhaité travailler avec l’équipe MODAL :
“L’équipe Modal est spécialisée dans l’analyse de données décrivant par exemple l’évolution dans le temps d’entités complexes, comme un réseau de distribution ou un service hospitalier… ou encore des machines industrielles”
Un modèle numérique pour baisser la consommation de kérosène
Dans le cadre de leurs recherches pour concevoir ce modèle, il a fallu prendre en compte plusieurs facteurs : comprendre la physique du vol, choisir les paramètres pertinents afin de décrire le comportement de l’avion, analyser des milliers de trajectoires, développer des algorithmes sobres en ressources computationnelles, etc. Florent Dewez précise :
“Les méthodes sur lesquelles nous avons travaillé sont pour la plupart bien connues du monde académique, mais, à notre connaissance, leur application aux problématiques du secteur aéronautique est une première !”
La technique mise au point avec l’aide de Safety Line est en cours d’évaluation par des industriels du secteur aéronautique. Ils espèrent que le modèle pourra, dans le moyen ou le long terme, réduire les émissions de polluants ou la consommation énergétique des avions. Vincent Vandewalle précise que l’outil qu’ils ont créé pourrait également être utilisé dans d’autres domaines :
“Notre approche, actuellement évaluée par des industriels de l’aéronautique, est générale. Elle bénéficiera sans doute à d’autres secteurs ! Nous sommes d’ailleurs déjà en contact avec des acteurs de la santé… ou des écuries de course au large, intéressées par leur application à l’optimisation des routes marines.”
Désormais, Safety Line va devoir transformer ce modèle théorique en un outil optimisé et opérationnel pour les avions. Avec cette plateforme, les avions pourraient économiser jusqu’à 83kg de kérosène à chaque montée.