Lors de sa 37e réunion plénière organisée à Strasbourg les 8 et 9 décembre dernier, la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) a lancé le plan d’action 2022-2025 baptisé “La digitalisation pour une meilleure justice” visant à concilier l’efficacité des nouvelles technologies et le respect des droits fondamentaux. Retour sur ce plan qui s’intéressera également à l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle.
La priorité de la CEPEJ pour les quatre prochaines années est donc d’accompagner les États et les tribunaux dans une transition réussie vers la digitalisation de la justice en conformité avec les normes européennes. Ce plan d’action fixe les grandes orientations de la CEPEJ, avec au centre des préoccupations l’usager, même dans un environnement digitalisé ou en cours de digitalisation, en mettant à sa disposition un service public de la justice efficace et de qualité.
Les orientations de la CEPEJ pour 2022-2025
Ces orientations s’articulent autour de grands axes visant à ce “que la justice soit toujours transparente, collaborative, humaine, centrée sur les individus et accessible, éclairée, et enfin responsable et réactive.” et sont les suivantes :
- Efficacité et qualité de la justice : soutenir la digitalisation de l’administration et de la gestion des tribunaux et des parquets. Les technologies de l’information devront optimiser le fonctionnement de la Justice et les interconnections entre les diverses institutions judiciaires. Les outils choisis par les États et les tribunaux devront être les mieux adaptés et les plus compatibles avec une justice de qualité, efficace, accessible et impartiale. La digitalisation des procédures doit améliorer leur efficacité, mais également la qualité du travail à accomplir par les juges, les procureurs, les équipes qui les assistent ainsi que par les avocats.
- Transparence de la justice : promouvoir la digitalisation pour améliorer la connaissance de la justice en général et, notamment, de la durée des procédures.
Les nouvelles technologies doivent permettre à l’usager une meilleure connaissance des procédures, des institutions judiciaires et des rôles respectifs de chacun des professionnels de la justice. Chaque tribunal doit disposer de tableaux de bord lui permettant de contrôler et gérer son flux d’affaires et la charge de travail des professionnels de la justice. - Justice collaborative : mettre en place des outils numériques pertinents pour l’interconnexion entre les participants aux procédures judiciaires (juges, procureurs, avocats, autres professionnels de la justice, usagers).
- Justice humaine : soutenir les juges, les procureurs, leurs équipes et les autres professionnels de la justice de manière appropriée, afin d’adapter leur rôle essentiel également à l’environnement numérique. Le juge doit rester au centre de la procédure.
- Justice centrée sur les individus et accessible : soutenir les professionnels et les usagers de la justice par une formation aux outils numériques, vitale car elle contribue non seulement à l’efficacité de la justice mais aussi à son indépendance.
- Justice éclairée : accroître l’utilisation des résultats de l’évaluation des systèmes judiciaires par la CEPEJ et d’autres outils.
- CEPEJ responsable et réactive : assurer la visibilité de ses outils pour qu’ils soient accessibles à tous et reflètent l’expertise de ceux qui les ont élaborés. La CEPEJ est au service des professionnels et des usagers de la justice, qui peuvent lui demander de créer des outils spécifiques et sur mesure en vue d’une justice meilleure.
Améliorations proposées pour la méthodologie de la CEPEJ
- Donner plus d’importance à la mise en réseau et à l’échange de bonnes pratiques
- Assurer une meilleure coordination interne au sein du Conseil de l’Europe : le Service de
l’exécution des arrêts de la CEDH, et la CEDH qui pourraient utiliser les indicateurs de la
CEPEJ tout en fournissant à la CEPEJ des informations utiles sur des dysfonctionnements au sein des systèmes judiciaires des Etats membres, le CAHAI pour les questions sur
l’intelligence artificielle, le CDCJ et le CDPC pour une coordination sur les outils respectifs
concernant le domaine de la justice, etc. - Assurer des synergies entre les activités intergouvernementales de la CEPEJ et les activités de coopération de la CEPEJ, ainsi qu’entre les activités de coopération de la CEPEJ.
La CEPEJ a également adopté une feuille de route révisée visant à assurer un suivi approprié de la Charte éthique européenne de la CEPEJ adoptée en 2018 sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement qui a pour axes :
- le respect des droits fondamentaux dans la conception et l’utilisation des outils d’IA,
- la non-discrimination,
- la qualité et la sécurité des données,
- la transparence, l’impartialité et l’équité,
- le contrôle par l’utilisateur.
La charte insiste sur le besoin de formation spécifique et indique que les développeurs et les utilisateurs d’applications d’IA pourraient trouver un intérêt à bénéficier de davantage de conseils pratiques sur la manière d’appliquer les cinq principes énoncés dans la Charte de la CEPEJ.
Les développeurs pourraient ainsi avoir une idée plus claire de la manière d’auditer leurs applications, idéalement dès la phase de développement. L’opérationnalisation, qui pourrait prendre la forme de lignes directrices ou de checklists par catégorie de programmes, pourrait également être utilisée par un certificateur/auditeur externe.
Ce travail d’opérationnalisation a déjà commencé en ce qui concerne la modélisation des décisions. Il devrait être élargi et aboutir à un outil concret d’évaluation de la Charte de la CEPEJ, susceptible d’être utilisé indépendamment par des tiers. Après une application précise de cet outil d’évaluation et une publication de sa documentation, le programme pourra recevoir un label indiquant la conformité à la Charte de la CEPEJ.
Enfin, la CEPEJ a adopté des lignes directrices sur la numérisation des dossiers judiciaires et la digitalisation des tribunaux, les lignes directrices SATURN révisées pour la gestion du temps judiciaire et son programme d’activité pour 2022 et 2023.