L’intelligence artificielle dans le domaine maritime

L’intelligence artificielle est partout, y compris là où le grand public ne l’y attend pas forcément. Le domaine maritime en est un excellent exemple. Les cas d’utilisation de l’IA y sont innombrables : optimisation de la logistique portuaire, préservation des espèces, en passant par la navigation autonome et la protection de l’environnement.

IA
Infographie : lintelligence artificielle dans le domaine maritime.

Les données des océans, collecte, analyse et traitement

La collecte de données marines s’est considérablement accrue ces dernières années, en particulier grâce au déploiement de capteurs, radars, sonars, robots sous-marins ROV (Véhicule opéré à distance) et AUV (Véhicule sous-marin autonome) et de drones maritimes.

Des applications sont d’ores et déjà intégrées dans le transport maritime, la défense militaire, la gestion de la pêche et l’exploitation des fonds marins, la recherche suite à des crashes en mer, la surveillance et l’amélioration des prévisions météorologiques. Mais c’est également dans la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique que les technologies de machine learning peuvent s’illustrer pour répondre à l’un des défis majeurs auxquels la planète se trouve confrontée.

Entreprises, pouvoirs publics et ONG constituent des bases de données sur lesquelles travailler au déploiement de solutions. L’Ocean Data Alliance propose par exemple de développer une plateforme de données open source. Celle-ci offrira la possibilité d’utiliser le machine learning pour le développement d’outils de surveillance et de prédiction dans des domaines variés et d’assurer une plus grande transparence quant à l’accès aux données, par les autorités et le grand public.

Logistique portuaire et maritime

Les infrastructures doivent s’adapter face à l’augmentation des flux de conteneurs et la taille des navires. Les nouvelles technologies – dont l’IA – permettent de répondre dès à présent aux enjeux des ports, du back-office à la logistique prédictive et à l’exécution grâce à la robotique, aux véhicules autonomes, à la vision par ordinateur ou aux interfaces de conversation.

Quelques exemples :

Création de Smart Port / Business Intelligent Port, géré par la performance) grâce à des solutions de gestion simplifiées, à l’automatisation, mais aussi à de nouvelles interfaces comme celles proposées par la startup Sinay à Caen.

Gestion de la fluidité du trafic portuaire et du flux de marchandises import et export. Des outils comme ceux créés par SeaRoutes, Element AI ou encore Channel 5, projet développé par MGI, en partenariat avec le List, institut de CEA Tech, permettent grâce à des capteurs d’informations (prévisions météorologiques, trafic routier, pannes d’engins de manutention, situation sociale sur le terminal, volume de marchandise attendu) d’offrir une vue précise, en temps réel, de l’état du système portuaire.

À noter également des solutions de détection des objets flottants non identifiés (OFNI) et des mammifères marins comme Oscar, de la société bretonne BSB Marine.
Utilisation de drones pour la collecte d’informations en temps réel, la surveillance, la maintenance et la création d’un système d’alerte dans les ports, mais également sur les infrastructures offshore.

Navigation autonome et sports nautiques

Les tests de navires autonomes se multiplient, des ferries aux porte-conteneurs, aux drones marins et aux sous-marins. Un exemple : le Yara Birkeland de l’armateur norvégien Kongsberg Gruppen, équipé de lidars et de caméras optique et infrarouge. Ou encore le Mayflower de l’ONG Promare et d’IBM, doté de la technologie PowerAI Vision avec radars et lidars, pouvant détecter des objets dans les images et les vidéos, surveiller les mammifères, étudier les microplastiques et travailler sur la cybersécurité maritime. Les technologies d’IA sont désormais utilisées pour une navigation plus sûre (prédiction des icebergs, optimisation des routes de navigation).

Des outils de machine learning et de big data sont également développés par plusieurs entreprises et équipes dédiées aux sports nautiques pour l’amélioration des performances. Citons les Solutions d’analyse de données et d’outils d’aide à la décision d’AIM45, notamment AIM1 conçu par Olivier Douillard pour améliorer la performance, la sécurité et le développement architectural des voiliers.

Défense militaire

En matière de défense, l’intelligence artificielle couvre un large champ d’applications : aide à la planification et à la décision, optimisation de la mise en œuvre des armements, interaction homme-machine, optimisation des capteurs et réseaux de capteurs, renseignement, systèmes robotiques, etc. La défense militaire dans le domaine maritime se focalise sur plusieurs secteurs dont le combat collaboratif, les bâtiments de surface et sous-marins et la guerre des mines.

Combat collaboratif : Sur terre, sur mer ou sous la mer, le combat collaboratif moderne se tourne vers des solutions de situation tactique fusionnée (ami, ennemi), d’assistances à la mobilité et à la riposte et d’allocation automatique de cibles entre plusieurs systèmes.

Bâtiment de surface et sous-marin : En matière de navigation, des outils IA viennent améliorer les performances, gérer les niveaux de bruits et aider à la décision grâce à des sonars et radars capables de détecter et de classifier des cibles furtives. Les systèmes de combat sont également améliorés grâce à des solutions de fusion multicapteurs, multiplateformes, d’aide à la manœuvre et à la décision ; de poste de commandement multimodal ou encore d’évaluation de potentiel et maintenance optimisée.

À titre d’exemple, Naval Group travaille sur la reconnaissance des signaux acoustiques sous-marins à l’aide d’algorithmes de classification automatique entraînés sur des échantillons sonores représentatifs du combat LSM (lutte sous-marine) et sur des outils logiciels de détection, de classification et d’aide à la décision pour sous-marins, frégates de lutte ASM (anti-sous-marine) et aéronefs de patrouille maritime.
Guerre des mines : Sonar sur robot sous-marin (détection et classification de mines, robot sous-marin et robot de surface (supervision de haut niveau et coordination multi-robot).

Préservation de la biodiversité

Les outils de collecte et d’analyse de données fournissent de vastes bases de données. Le machine learning permet de les traiter de façon plus précise et de développer des solutions efficaces dans de nombreux secteurs :

Inspection et observation des milieux marins et sous-marins : citons les solutions proposées par Subsea Tech ou les robots Seasam ou iBubble de Notilo Plus. Aux États-Unis, une équipe composée de data scientists et de biologistes (Univ. San Diego, Institut d’océanographie de La Jolla, Centre de recherche sur la vie marine de Miami) a par exemple mis au point une méthode pour anticiper l’impact qu’aurait l’installation de puits de pétrole dans le golfe du Mexique. Elle a aussi effectué un traitement pertinent de signaux acoustiques associé à un algorithme de classification adapté et ainsi identifié des espèces de dauphins uniquement à partir de leurs sifflements.

Surveillance de l’emplacement, de la santé et des quantités d’espèces océaniques comme c’est le cas du poisson-robotique Soft Robotic Fish développé par des chercheurs du MIT pour observer les créatures marines.

Prédiction de la propagation des espèces envahissantes et leur neutralisation comme le fait le RangerBot qui s’attaque à l’acanthaster pourpre, menace importante pour le corail.

Surveillance et prévention du trafic illégal d’espèces marines sauvages grâce à des capteurs alertant en temps réel, à des outils prédictifs et à une optimisation des horaires de contrôles.

Gestion de la pêche grâce à une prévention et un contrôle de la surpêche, une surveillance de l’aquaculture, une mesure automatisée des seuils de pêche, des alertes contre la pêche illégale ou encore l’optimisation des opérations de surveillance et de patrouille.

Environnement et changement climatique

L’intelligence artificielle apporte une aide précieuse à l’étude des impacts du changement climatique et la lutte contre ses effets. Le traitement des données marines et océaniques, la vision par ordinateur, la reconnaissance d’images, entre autres, permettent d’analyser la température des océans, leur niveau et l’acidification des eaux.
Ces changements causent des dommages sans précédent à la faune et à la flore et à la fonte des glaces marines en Arctique et en Antarctique.
Plusieurs entreprises proposent également des outils de collecte, d’analyse en temps réel et de traitement des données sous forme de capteurs ou de robots. Parmi les applications effectives :

Lutte contre la pollution à travers la détection de pollutions (plastique, hydrocarbure, etc.), la surveillance des niveaux de pollution ou encore le déploiement de robots de collecte de déchets comme Wilson d’Ocean Cleanup, le projet Sea-neT et le robot Jellyfishbot de la société IADYS ou encore les drones de The Plastic Tide Project.
Mesure des impacts du changement climatique grâce à une surveillance en temps réel de la température et du pH de l’océan, des écosystèmes des récifs coralliens et des courants océaniques.

Protection des habitats marins, évaluation de leur conservation, cartographie des fonds marins et des récifs coralliens effectués notamment par des radars ou des véhicules autonomes déployés en eau profonde. Citons le projet Allen Coral Atlas qui terminera bientôt sa cartographie en temps réel des coraux du monde entier et le Shell Ocean Discovery XPrize, une compétition ayant pour but de réaliser une cartographie HD complète des fonds marins d’ici 2030.

Dans un autre domaine, le LarvalBot détecte grâce à son IA où déposer des larves de corail pour réensemencer les récifs en danger.

Prévision météorologique

L’intelligence artificielle, notamment sous la forme de modèles météorologiques optimisés, est développée pour prévoir les catastrophes naturelles et anticiper les risques. Détecter les changements climatiques de façon rapide permet d’alerter au plus tôt les populations et de prévenir plus en amont les dommages.

Ces exemples d’applications de solutions basées sur l’intelligence artificielle ouvrent la voie à de nombreuses possibilités. Les nouvelles technologies pourraient entrer en action, certes dans un souci d’amélioration des performances et donc de rentabilité, mais aussi – et surtout – pour apporter des outils et des données pertinentes pour lutter efficacement contre l’un des défis majeurs de notre époque : la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.

Article initialement publié dans le magazine de l’intelligence artificielle ActuIA N°1 – Janvier/Mars 2020 .

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