Selon « The Irish Times », la ministre irlandaise de la Justice, Helen McEntee, a annoncé fin mai que son département élaborait une législation permettant à la Garda Siochena, la police nationale du pays, d’utiliser la technologie de reconnaissance faciale pour analyser les images de vidéosurveillance des suspects de crimes graves ou des personnes disparues, précisant que cela lui permettrait ainsi d’économiser des milliers d’heures de travail.
S’il est bien une technologie de l’IA qui suscite débats et inquiétudes, c’est celle de reconnaissance faciale. Alors que la Chine l’utilise pour la répression des journalistes, des étudiants étrangers, de la communauté ouigour, des « personnes préoccupantes », l’Europe essaie d’encadrer son utilisation dans les espaces publics via le RGPD. Au niveau mondial, la majeure partie des services policiers y ont recours et, de plus en plus de villes installent des caméras intelligentes. Cependant, elle soulève des problématiques : celles de l’utilisation des données et des biais algorithmiques.
L’adoption de la technologie de reconnaissance faciale par la Garda Siochena
La loi européenne sur l’IA lorsqu’elle sera finalisée devrait interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale en temps réel dans les lieux publics, sauf dans des circonstances limitées. Suite aux protestations que l’annonce a soulevées, notamment le fait d’adopter une législation précipitée, Mme McEntee a déclaré que des garanties seront mises en place sur l’utilisation de la technologie et qu’elle sera soumise à des règles de protection des données.
Une porte-parole du ministère de la Justice a déclaré que des consultations étaient en cours avec les parties prenantes et que Mme McEntee finaliserait les propositions en collaboration avec le procureur général « et les présenterait au gouvernement avant l’étape du projet de loi en comité, qui devrait avoir lieu à l’automne ».
Elle a déclaré :
« La reconnaissance faciale ne sera pas utilisée pour une surveillance aveugle – elle sera utilisée dans des circonstances très clairement définies pour aider les gardaí à rechercher des vidéos de vidéosurveillance et des séquences vidéo. »
Selon les sources de « The Irish Times », l’utilisation en direct de la technologie ne se ferait que dans des circonstances spécifiques, l’objectif principal de la législation étant d’aider les policiers nationaux à traiter les masses d’informations qu’ils recueillent comme preuves à partir de la vidéosurveillance et des enregistrements numériques. En outre, les forces de l’ordre pourront utiliser des caméras corporelles et accéder à des flux de vidéosurveillance tiers, par exemple la reconnaissance automatique des plaques minéralogiques (RPM).
Un moratoire demandé par les opposants au projet de législation irlandaise
Si les représentants de la GRA (association représentant la Garda) estiment qu’une telle technologie offrirait un avantage très positif dans la lutte contre les crimes graves, le député James Lawless, également Président du comité de justice d’Oireachtas, le corps législatif irlandais, a mis en garde contre les problèmes de reconnaissance faciale, citant un rapport de 2019 du London Met qui a révélé que la mauvaise personne avait été identifiée dans jusqu’à 80% des cas.
Par ailleurs, 52 experts, dont des universitaires et des ONG, ont rédigé une lettre ouverte exprimant leurs inquiétudes et demandant à la Ministre de la Justice, Helen McEntee, d’imposer un moratoire sur l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale par la police.
Ils y déclarent :
« la sûreté publique et la sécurité nationale peuvent parfois supplanter le droit à la vie privée, les intrusions de la surveillance TRF de la police sont totalement inutiles et disproportionnées. L’utilisation de la TRF risque d’avoir des effets dissuasifs importants, modifiant la façon dont les gens utilisent les espaces publics et en ligne. »
Ils y alertent sur la dangerosité de cette technologie et ajoutent :
« Les scientifiques s’accordent à dire que la technologie n’est tout simplement pas assez avancée et qu’elle n’est pas à la hauteur des affirmations de ses développeurs. Toutefois, même si la précision s’améliorait, comme la technologie peut être déployée sans discernement, elle risque d’aggraver le problème de la surpolice dans les zones où vivent des groupes marginalisés, ce qui entraînerait des incriminations disproportionnées, le fichage racial et des minorités ethniques, et ferait dérailler la vie des gens. »