Co-financé par la Commission européenne et porté par le syndicat français de l’encadrement CFE-CGC, avec divers partenaires, le projet SeCoIA Deal (Servir la Confiance dans l’Intelligence Artificielle par le dialogue) sur les défis posés par l’IA en matière de négociation collective fait l’objet d’un rapport publié récemment.
Le projet SeCoIA Deal a démarré au printemps 2020 en réponse à un appel à proposition de la Direction Générale emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, sous la ligne budgétaire dédiée au soutien au dialogue social. Cet appel à proposition mentionnait l’intérêt d’adapter le dialogue social et particulièrement la négociation collective, pour mieux accompagner les changements affectant l’emploi et le travail.
Lancé de manière opérationnelle au printemps 2021, le projet, dont la conférence finale s’est tenue en janvier dernier à Bruxelles au siège du Comité économique et social européen (CESE), est l’objet d’un rapport de 60 pages publié le 28 avril dernier en cinq langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien).
Raphaëlle Bertholon, ex-secrétaire nationale CFE-CGC à l’économie et au numérique, souligne en préambule du rapport :
« Ce projet est le fruit de deux années de contributions d’une communauté d’acteurs agissante, riche d’horizons multiculturels, de points de vue variés et de compétences transversales au profit de tous, s’appuyant sur des intervenants experts qui ont accepté de partager leur expérience et de débattre ».
Appréhender, sous le prisme du dialogue social, les effets de l’intelligence artificielle
Le projet SeCoIA regroupait différents partenaires français et européens, entraînés par la CFE-CGC, les 4 principaux sont :
- L’Union des Entreprises de Proximité (U2P) ;
- La Confédération syndicale italienne des manageurs (CIDA) ;
- L’Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) au service des organisations syndicales françaises ;
- L’association ASTREES, membre du groupe SOS, qui décrypte les transformations du travail et de l’emploi, invente et diffuse, en France et en Europe, des pratiques sociales novatrices.
Etaient également associées au projet la Confédération Européenne des Cadres (CEC), l’organisation des managers en Suède (Ledarna), la Fondation italienne Giacomo Brodolini (FGB), l’ONG AlgorithmWath, ainsi que la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC).
Trois grands objectifs étaient assignés à ce projet :
- Contribuer à une meilleure compréhension et appropriation des enjeux et impacts des données et de l’IA comme nouvel outil de production de valeur d’une part ; et comme moteur d’évolution des métiers qualifiés des salariés et entrepreneurs/professionnels de proximité d’autre part ;
- Préfigurer une négociation collective nouvelle, dans son périmètre et ses objets ;
- Formuler des recommandations génériques et diffusables visant à développer un dialogue social enrichi (acteurs, objets, moyens) au regard d’une approche sociale et économique globale couvrant les principaux impacts de l’IA.
Des outils opérationnels et de formation pour les entreprises et les représentants syndicaux
Le rapport final s’articule en deux grandes parties :
- Un partage des connaissances avec l’analyse des effets, de l’ampleur et du déploiement des systèmes d’intelligence artificielle sur la création de valeur, sur les compétences professionnelles et sur l’organisation du travail.
- La présentation d’outils collaboratifs opérationnels mobilisables par les parties prenantes concernées (entreprises, filières, secteurs, Union européenne, experts…), ainsi que des outils transverses d’acculturation et de formation pour les dirigeants d’entreprise, les salariés, les représentants syndicaux ainsi que les citoyens.
L’analyse de Nicolas Blanc, membre du comité de pilotage du projet et nouveau secrétaire national CFE-CGC à la transition économique
« L’Union européenne (UE) veut se doter d’un cadre juridique complet pour limiter les dérives de l’intelligence artificielle (IA) sans trop contraindre l’innovation. Elle espère, par une approche basée sur le risque, catégoriser les systèmes d’IA et y associer des obligations, des contraintes voire des interdictions. Le 11 mai dernier a eu lieu un vote important au Parlement européen, qui constitue une première étape d’un futur règlement de régulation de l’IA. C’est de bon augure pour le vote sur l’ensemble du texte, prévu à la mi-juin. Cependant, celui-ci ne s’appliquera dans l’ensemble de l’UE que fin 2026.
On voit bien que cette route est longue et sinueuse, et l’arrivée de ChatGPT et des IA dites génératives ont bousculé un calendrier déjà contraint. Il fallait donc aussi que les partenaires sociaux anticipent les impacts de l’IA sur les emplois et le monde du travail, en imaginant le dialogue social complémentaire à cette future régulation. C’est ce que nous avons fait avec le projet européen SécoIA Deal qui produit des outils et des propositions concrètes afin de pouvoir y répondre dans les entreprises.
Pilote de ce projet, la CFE-CGC va continuer à décliner de façon opérationnelle ces initiatives dans le cadre d’un nouveau projet appelé DialIA, piloté par l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) et commandité par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Il vise à déployer un cadre méthodologique partagé pour faire du développement du dialogue social technologique au travail un levier opérationnel de la transformation numérique. La CFE-CGC est leader sur la question de l’IA et compte le rester en formant aux mieux ses adhérents et ses militants à ces enjeux ».