Ce lundi 14 mai, Anne-Marie Idrac a présenté à Gérard Collomb, Bruno Le Maire, Elisabeth Borne et Mounir Mahjoubi les orientations stratégiques pour l’action publique en matière de développement des véhicules autonomes.
Comme il l’indique dans son communiqué de presse, “le Gouvernement a fait du développement du véhicule autonome une priorité de sa politique de relance industrielle. Il représente aussi un enjeu considérable pour les politiques de transports, de sécurité numérique et de sécurité routière.
Ce rapport constitue le cadre stratégique dans lequel s’inscrira l’action de l’État pour le développement des véhicules automatisés ou autonomes. Sa publication représente, après de larges consultations, le premier aboutissement de la mission qui avait été confiée par le Gouvernement à Anne-Marie Idrac dans le cadre de ses fonctions de Haute responsable pour la stratégie du développement des véhicules autonomes.
Ce document aborde ainsi de façon complète l’ensemble des questions que soulève le développement des véhicules autonomes. Il présente une série de dix actions prioritaires visant à faciliter l’émergence et le développement de ces technologies, à aider la filière française à se positionner sur ce marché particulièrement porteur, mais aussi à relever le défi de la sécurité et de l’acceptabilité de ces innovations.”
Le rapport présenté par Anne-Marie Idrac met notamment en avant 5 enjeux prioritaires pour l’État :
USAGES ET TERRITOIRES
Il s’agit de s’assurer de l’adéquation des services permis par l’automatisation, avec les besoins des citoyens et des territoires et notamment de tirer pleinement parti des potentialités des véhicules autonomes en matière de mobilités. Associés à de nouvelles formes d’auto-partage ou de transport à la demande, ils peuvent aussi modifier les limites entre transport individuel et collectif. Il importe de favoriser l’émergence de nouveaux modèles économiques et tout en assurant la cohérence de ces services avec les politiques de mobilité locales et les capacités à déployer des infrastructures adaptées au véhicule autonome.
SÉCURITÉ
Il s’agit de s’assurer que les systèmes développés sont conformes aux attentes de sécurité individuelles et sociétales, tant sur la sécurité routière que sur la cyber-sécurité ou encore la protection des données individuelles ; il n’y aura pas de confiance dans les nouveaux usages sans sécurité ; la construction de systèmes de validation robustes est une priorité ;
ACCEPTABILITÉ
Elle est une condition sine qua non du développement du véhicule automatisé. Elle ne doit pas être considérée comme acquise : outre les enjeux de sécurité et d’adéquation aux usages, d’autres effets de l’automatisation conditionnent l’acceptabilité : impacts sur les mobilités et leur empreinte environnementale, emploi, équité territoriale…
COMPÉTITIVITÉ ET EMPLOI
Au plan technologique et industriel, il s’agit que le développement des véhicules autonomes bénéficient à nos filières innovantes, notamment pour le développement et la maîtrise des technologies, en termes de détection, de traitement des données, de localisation, ainsi que d’intelligence artificielle et d’algorithmique. Il s’agit également de s’assurer de retombées positives sur l’activité de nos territoires et d’anticiper et d’accompagner les transformations probables des compétences et de l’emploi.
COOPÉRATION EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE
Le contexte international se caractérise à la fois par une concurrence aigüe entre acteurs industriels et territoires, et le développement de coopérations actives entre États, en vue d’assurer un développement sûr de ces technologies, et le bon fonctionnement des marchés. Par ailleurs, la France est soumise au respect de règles internationales relatives à la circulation routière et à la réglementation technique des véhicules. Il est nécessaire de tenir compte de ce cadre international, pour qu’il ne soit pas une contrainte, mais, grâce notamment à la coopération européenne, une force pour le développement de technologies sûres et interopérables correspondant aux attentes de nos citoyens.
Les orientations de l’action publique définies dans le rapport
L’objectif principal est de faciliter l’émergence, puis le déploiement de technologies innovantes en matière d’automatisation, en accompagnant, par un cadre sécurisé, les progrès technologiques proposés par les acteurs industriels et des services, en tenant compte de l’évolution du cadre international et des besoins des territoires.
L’objectif est également d’aider les entreprises françaises à se positionner favorablement sur les nouveaux marchés de services et de technologies liés au véhicule autonome. Pour ce faire, la France s’engage dans un développement maîtrisé et responsable du véhicule automatisé, fondé sur les principes suivants:
- progressivité de l’approche, fondée sur l’expérience (« learning by doing ») ;
- prééminence des enjeux de sécurité routière et de cyber-sécurité ;
- vigilance sur les impacts sur la mobilité, l’environnement et l’acceptabilité ;
- importance de l’expérimentation pour évaluer les impacts et les risques, en passant rapidement à des projets de grande échelle ;
- ouverture sur tous les cas d’usage ;
- coopération étroite entre autorités publiques et industriels pour élaborer un cadre réglementaire étayé par l’analyse des impacts et des risques et intégrer les enjeux d’emplois ;
- importance de la coopération européenne, notamment en matière d’homologation et d’interopérabilité des systèmes et de financement de la recherche et de l’innovation.
Au niveau législatif et réglementaire, il s’agit d’abord de définir un cadre solide pour les expérimentations, notamment en termes de responsabilités, afin de couvrir la diversité des cas d’usage à tester. Il s’agit ensuite de préparer l’arrivée à maturité technologique des véhicules hautement automatisés, attendue pour les années 2020-2025, notamment en termes de règles de conduite, de régime de responsabilités, et de formation à la conduite.
Le cadre de validation de la sécurité de ces systèmes doit être préparé dès maintenant, et notamment méthodes et outils de validation. Ce cadre de validation conjuguera, pour les différents cas d’usage, des éléments relevant du niveau ONU, du niveau européen et du niveau national. La France considère que ce sujet est prioritaire et qu’il doit relever de la coconstruction avec les acteurs industriels, appuyé sur l’expérimentation.
Le soutien public à l’innovation et à l’expérimentation doit encourager le développement des systèmes et des cas d’usage en concourant à un socle partagé de connaissances et de méthodes d’évaluation et de validation du point de vue de la pertinence économique et sociale, de leur acceptabilité et de leur sécurité.
Le développement de l’infrastructure numérique et la connectivité des réseaux routiers peut constituer un facteur d’accélération du développement du véhicule autonome. L’évolution des technologies, notamment l’arrivée de la 5G, conduit à privilégier une approche incrémentale, fondée sur les technologies les plus matures (ITS-G5) et les réseaux les plus pertinents pour justifier des investissements en connectivité dans les territoires.
Les échanges de données du véhicule autonome et connecté constituent un levier-clé pour créer de la valeur par le développement de services liés à la mobilité. Le cadre contractuel et, si besoin, règlementaire, devra contribuer à faciliter ces échanges de données, tout en étant respectant le cadre de protection des données personnelles et les exigences de cybersécurité. L’élaboration d’un cadre national tiendra compte du cadre européen, en évolution.
L’animation de l’écosystème doit conjuguer, outre des compétences techniques diverses, des visions et des contributions d’acteurs très divers, au-delà de la filière automobile : services de transports, gestionnaires d’infrastructures, industries routière, des télécommunications, du numérique, de l’assurance, autorités publiques nationales et locales, le tout en assurant la transversalité entre modes de transports.
Les actions publiques prioritaires
Expérimentations de véhicules en France
Le rapport remis a également été l’occasion de faire un bilan concernant les expérimentations de véhicules à délégation de conduite en France. De fin 2014 à début avril 2018, 54 décisions d’autorisation de délivrance exceptionnelle de certificats d’immatriculation « W garage » dans le cadre d’expérimentation de véhicules à délégation de conduite ont été délivrées, dont 23 au cours de l’année 2017.
Parmi ces décisions, 26 concernent des voitures particulières (dont 11 en milieu urbain complexe), 15 concernent des navettes urbaines et 13 sont des décisions modificatives afin d’étendre la durée de validité, le périmètre géographique ou le nombre de véhicules concernés par l’expérimentation.
Depuis mi-2016, une augmentation significative du nombre de demandes d’expérimentation de navettes autonomes, principalement à titre de démonstration, est observée. Plusieurs opérateurs de transports se sont associés en 2017 avec des constructeurs automobiles afin d’effectuer des expérimentations de plus grande ampleur pour tester l’intégration de ces véhicules dans un service de transport.