Focus sur le livre blanc d’Inria sur les Véhicules Autonomes et Connectés

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En mai dernier, Inria publiait un nouveau livre blanc sur une thématique des plus actuelles : la conduite autonome et connectée. Disponible sur le site de l’institut, il propose un état des lieux du domaine et s’intéresse de très près à ses impacts. 

Après la publication d’un premier livre blanc consacré à l’intelligence artificielle, Inria dévoile un second ouvrage dédié cette fois aux Véhicules autonomes et connectés. Inria fait le point et soulève l’ensemble des problématiques liées aux grandes avancées et innovations dans ce domaine. Quels défis technologiques et scientifiques ? Quels enjeux économiques, sociaux et environnementaux ? Quels impacts légaux et éthiques ? Un texte de référence qui mesure, questionne et anticipe.

« Complémentaire de la stratégie nationale qui vient d’être présentée ce jour par Anne-Marie Idrac, haute responsable pour le développement du véhicule autonome, ce livre blanc illustre l’importance de la recherche scientifique pour progresser notamment dans les défis logiciels, de la cybersécurité, des interfaces Humain machine, de la modélisation et la simulation et de l’intelligence artificielle.

Il s’agit en effet d’un sujet très complexe, tout d’abord parce qu’il ne définit pas une problématique unique mais qu’il englobe un ensemble de questions de nature différente, tant technologiques que scientifiques.

Ensuite, parce que les évolutions futures ne s’obtiendront pas en raffinant les techniques et les procédés actuels mais bien en inventant de nouveaux concepts et de nouveaux modèles tant pour la conception, la fabrication que l’exploitation du véhicule », explique Peter Sturm, adjoint au directeur scientifique d’Inria, en charge du domaine de recherche Perception, cognition, interaction.

Véhicules autonomes : un virage révolutionnaire

Le monde de la mobilité est en profonde mutation. Le déploiement du véhicule autonome va non seulement transformer nos modes de transports, mais surtout avoir un impact sur l’évolution de la société – en termes de sécurité, d’environnement, d’urbanisme… – et sur l’industrie automobile elle-même, avec de nouveaux véhicules dans lesquels l’intelligence artificielle jouera un rôle déterminant.

Pour mieux appréhender ce bouleversement, il est nécessaire de comprendre ce qui fait la spécificité du véhicule autonome et connecté, les prouesses technologiques que les acteurs du secteur doivent réaliser ainsi que le développement de collaborations entre recherches publique et privée. Inria est impliqué dans ce sujet depuis de très nombreuses années, avec des équipes de chercheurs et chercheuses venant de différents domaines scientifiques.

De nombreux axes de recherche sont en effet concernés : modélisation mathématique, techniques robotiques, interfaces Humain-machine, technologies de télécommunication, réseaux, cybersécurité, apprentissage automatique, aide à la décision, raisonnement dans l’incertain… Autant de thématiques de recherche qui sont évoquées tout au long du livre blanc d’Inria.

Quatre questions stratégiques sur le véhicule autonome et connecté

Pour tous les industriels, l’évolution vers le véhicule autonome semble inéluctable. Mais son déploiement à grande échelle ne sera possible qu’à la condition de trouver des réponses à quatre questions stratégiques, aujourd’hui non résolues, posées et développées par Inria dans son livre blanc :

  • Comment assurer la sécurité des systèmes et des communications fiables ?
  • Un véhicule autonome peut-il comprendre son environnement ?
  • Un pilote automatique peut-il être intelligent ?
  • Comment valider un système aussi complexe ?

De multiples défis technologiques et scientifiques

La conception et le développement de véhicules autonomes et connectés posent de formidables défis technologiques et scientifiques, notamment :

La navigation autonome

Pour qu’un véhicule puisse naviguer de manière autonome, sans pilote, il faut qu’il sache percevoir son environnement, analyser et interpréter les données qu’il reçoit et enfin prendre des décisions. Les défis en lien avec la perception multisensorielle (capteurs, interprétation de la scène) et l’autonomie décisionnelle (planification d’itinéraires, de manœuvres, des trajectoires, et interactions véhicules-usagères et usagers) sont donc majeurs. Les méthodes de contrôle-commande de haut niveau sont également au cœur de la réflexion, afin que le véhicule puisse assurer de manière optimale sa stabilité, le confort des passagères et passagers (avec des contraintes sur les accélérations longitudinales et latérales), l’évitement ou le rattrapage des glissements et le contrôle du patinage.

L’intégration des logiciels et la sûreté de fonctionnement

L’intégration des logiciels à bord d’un véhicule hautement automatisé est donc un enjeu majeur. Un important effort de recherche est encore nécessaire sur plusieurs points, tels que : la conception d’architectures embarquées, les preuves formelles des programmes, l’optimisation matérielle et logicielle, la résilience, la tolérance aux fautes, la gestion des incertitudes, et la sécurité des systèmes informatiques et physiques.

Les télécommunications et la cybersécurité

Le déploiement des véhicules autonomes et connectés ne pourra se faire sans une profonde adaptation et sécurisation des réseaux de télécommunications. L’explosion du nombre d’agents communicants aura un fort impact sur l’occupation des canaux de communication, aujourd’hui déjà largement saturés. La sécurité routière exige un échange d’informations hautement réactif et fiable entre véhicules voisins, dans n’importe quelles conditions de densité de circulation. Le défi est donc de concevoir des moyens de communications sans fil fiables dans des scénarios présentant de fortes densités.

Les problématiques de vulnérabilité aux attaques externes, ainsi que d’intégrité et de confidentialité des informations qui circulent sur les réseaux sont plus que jamais cruciales. C’est pourquoi la cybersécurité devient une priorité pour les industriels du transport. Des moyens de protection existent déjà, mais le défi est maintenant de les intégrer au processus de développement des véhicules.

Le Big Data

Les systèmes vont produire d’énormes quantités de données de différents types : un véhicule autonome connecté pourrait produire jusqu’à 1 Go de données par seconde. Sur la base d’un déploiement attendu de centaines de milliers de véhicules connectés, toutes ces données devront être stockées, gérées, et traitées de manière automatique par des centres de traitement, des opérateurs, et des utilisateurs. Les modalités de stockage et de traitement de ces masses de données sont encore à définir et représentent un réel défi, tant sur le plan économique que technologique.

La simulation

La validation par simulation numérique est un défi particulièrement complexe. Même si chaque sous-système pouvait individuellement être ainsi validé, comment valider la complexité du système intégré, en utilisation réelle sur la route ? Il faudrait simuler le fonctionnement de toutes les briques technologiques simultanément, mais aussi la complexité des scènes routières, les comportements des autres conducteurs, tout en prenant en compte le fonctionnement simultané d’un grand nombre de véhicules autonomes. Il n’existe aujourd’hui aucun simulateur adapté à toutes les fonctionnalités du véhicule autonome et connecté.

La modélisation des grands systèmes : trafic routier et gestion de flottes

Avec un grand nombre de véhicules connectés qui sillonnent les routes et les rues, la modélisation du trafic va pouvoir s’enrichir des données collectées par les véhicules, jouant le rôle de capteurs en mouvement. La modélisation a aussi un rôle important à jouer dans la gestion de flottes, par exemple d’un ensemble de véhicules partagés, où l’un des principaux problèmes est la réallocation des véhicules sur un réseau urbain de plus en plus dense et dynamique.

Les interfaces Humain-machine

Avec les nouvelles fonctions intégrées à bord des véhicules, mais aussi le changement des modalités de conduite, des interfaces Humain-machine spécifiques doivent être conçues pour les véhicules autonomes et connectés. Elles seront dédiées aux occupantes et occupants du véhicule, mais aussi aux autres usagères et usagers de la route avec lesquels des interactions seront désormais nécessaires. Les équipes qui travailleront sur le sujet devront en particulier étudier un point clé : l’arbitrage entre le pilotage automatique et le pilotage par le conducteur ou la conductrice, en fonction des contextes et des situations.

Un impact sociétal, légal et éthique

Le véhicule autonome et connecté ne sera pas seulement un système d’une grande complexité technologique, son déploiement à grande échelle induira des changements profonds dans le fonctionnement de la société, qui toucheront l’organisation des villes, les usages des transports, la responsabilité civile des industriels et des opérateurs de la mobilité. L’arrivée de véhicules autonomes soulève ainsi de nombreuses questions légales et éthiques.

Le véhicule autonome et connecté en France, c’est pour quand ?

Dans son livre blanc, Inria répond également à la question du calendrier, très souvent posée.

« Les premiers systèmes de transport automatisés, sur des sites privés ou d’accès contrôlé, devraient apparaître à partir de 2025. À cette période, des véhicules autonomes devraient aussi commencer à rouler sur autoroute, à condition que les infrastructures aient été adaptées (par exemple sur des voies réservées à cet usage). Ce n’est qu’à partir de 2040 que l’on devrait voir des voitures complètement autonomes (aucune intervention de l’être humain), dans des zones périurbaines, et en test dans des villes », révèle Fawzi Nashashibi, responsable de l’équipe-projet RITS, Inria.

« Mais la maturité des technologies n’est pas le seul verrou au déploiement de ces véhicules, qui dépendra largement de décisions politiques (investissements, réglementations…) et des stratégies d’aménagement du territoire » poursuit-il.

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