Quel est l’impact de l’IA sur la vie professionnelle des médecins français ? Qu’en est-il de leurs espoirs et leurs appréhensions vis-à-vis de cette technologie ? Pour répondre à ces questions, Medscape, l’un des principaux sites mondiaux d’information médicale, a interrogé 1 077 praticiens au 1er semestre 2024 pour son étude “Les médecins français et l’IA“.
Parmi les répondants à l’enquête, 60% étaient des hommes, 40% exerçaient dans un établissement hospitalier, 53% étaient salariés. 22% étaient des médecins généralistes, 9% des psychiatres, 7% des urgentistes, 6% d’anesthésistes, 5% des cardiologues. Les autres spécialités étaient réparties de manière égale, en moyenne entre 1 et 4%.
L’IA, un outil puissant pour améliorer l’efficacité et l’accès aux soins, mais peu utilisé
L’étude met en lumière une faible utilisation de l’IA par les médecins français dans leur pratique quotidienne. Pour eux, l’IA reste principalement pour eux un instrument de recherche sur les pathologies (20 %), de gestion administrative (12 %) et d’aide au diagnostic (11 %). Ils l’utilisent également pour lire des radiographies, effectuer des recherches approfondies sur des maladies rares, rédiger des synthèses ou transcrire des entretiens.
Malgré une utilisation encore limitée, les médecins sont de plus en plus nombreux à reconnaître les avantages futurs de l’IA. Une majorité envisage de l’intégrer à leur pratique, pour se libérer de tâches répétitives et chronophages comme la gestion des rendez-vous, la mise à jour des dossiers médicaux ou la recherche sur des pathologies.
Environ 57 % des praticiens interrogés considèrent l’IA comme un moyen d’améliorer la rapidité et la précision des diagnostics, mais la nécessité d’une supervision humaine est également soulignée.
Freins à l’adoption : manque de formation et de maîtrise de l’IA
L’étude de Medscape montre qu’une large majorité des médecins français reconnaît l’importance de se tenir informés sur les apports potentiels de l’IA dans leur métier.
Cependant, les résultats de l’enquête soulignent un faible taux de maîtrise de cette technologie parmi les praticiens : près de la moitié des médecins interrogés ne sont pas familiers avec l’IA, et seulement un médecin sur dix pense avoir une très bonne maîtrise de cette technologie.
Ce déficit de compétences est plus prononcé parmi les femmes et les médecins généralistes, ces derniers se déclarant majoritairement mal informés (57 %). Les spécialistes se sentent mieux armés face à l’IA : 43% affirment être relativement bien informés.
Les médecins de plus de 45 ans se déclarent plus au fait des avancées de l’IA que leurs confrères plus jeunes (51% contre 43%).
Une profession partagée entre enthousiasme et prudence
Si 50 % des hommes interrogés voient en l’IA un moteur de transformation positive, les femmes semblent plus prudentes, 44 % d’entre elles exprimant des inquiétudes quant à son impact sur la relation patient-médecin. Les préoccupations se cristallisent autour de deux aspects : la perte potentielle de l’empathie et du contact humain, et la crainte que l’IA ne prenne un jour le dessus sur la décision médicale. Plus de 39 % des médecins redoutent que l’IA puisse supplanter leur expertise, même si l’erreur médicale reste une préoccupation mineure, la majorité des répondants ne percevant pas l’IA comme un facteur de risque élevé.
Les avis des médecins sont également partagés concernant l’intégration de l’IA dans les établissements de santé. Près de la moitié préfèrent attendre que ces technologies fassent leurs preuves avant de les adopter, craignant les effets de leur développement rapide et les transformations potentielles des pratiques. Si 51 % des hommes soutiennent une mise en place rapide, 58 % des femmes privilégient une approche plus prudente. Pendant ce temps, “Agent Hospital”, un établissement entièrement piloté par l’IA, a été lancé en Chine dans un cadre pédagogique, pour former les professionnels de santé dans un environnement simulé.
L’ appel à une réglementation stricte
Les médecins français insistent sur la nécessité d’une régulation stricte par l’État et à un cadre juridique spécifique au secteur médical. L’AI Act qui pose un cadre autour des applications à risque élevé et impose une transparence accrue pour les technologies d’IA intermédiaires, est un premier pas prometteur. En matière de facturation des actes IA, 40 % des praticiens restent indécis, les autres sont divisés : 32 % y sont favorables tandis que 28 % s’y opposent. Le secteur appelle donc à davantage de directives, notamment sur la tarification et l’accessibilité de ces nouveaux outils.
Cybersécurité et données de santé : un point de tension
Les récents piratages de systèmes hospitaliers renforcent les craintes des médecins, qui craignent pour la confidentialité des données médicales. Une cyberattaque pourrait non seulement compromettre les informations personnelles des patients, mais aussi mettre en péril l’intégrité des systèmes de soins. Les médecins interrogés doutent des capacités des infrastructures actuelles à protéger ces données sensibles et soulignent le besoin d’investissements conséquents en cybersécurité.
La perception des patients
Les patients semblent prioriser l’accès à un professionnel de santé plutôt que de s’intéresser aux outils utilisés : neuf médecins sur dix affirment que leurs patients ne se préoccupent pas de savoir si l’IA est impliquée dans leur prise en charge. Lorsqu’ils abordent la question avec eux lors d’une consultation, 53 % se disent favorables, tandis que seulement 15 % y sont opposés.