La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune du système nerveux central (le cerveau et la moelle épinière), la journée mondiale 2022 consacrée à cette maladie incurable a eu lieu le 30 mai dernier. Pour la diagnostiquer, les médecins ont recours à un examen d’imagerie indolore du cerveau et/ou de la moelle épinière en imagerie par résonance magnétique (IRM). Le deep learning pourrait permettre aux médecins d’établir un diagnostic plus précoce et ainsi de mettre en place un traitement visant à ralentir la progression de la maladie plus efficace.
La sclérose en plaques
Maladie auto-immune, la sclérose en plaques se caractérise par la dégradation de la myéline, la membrane qui protège les axones des neurones. Concrètement, le système de défense immunitaire, impliqué dans la lutte contre les bactéries et les virus, attaque la myéline, gaine protectrice des fibres nerveuses, perturbant la communication au sein du système nerveux ce qui provoque des atteintes motrices et neurologiques de plus en plus importantes. 120 000 personnes sont touchées par la SEP en France dont 700 enfants, 3/4 d’entre elles sont des femmes; 3 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, le plus souvent entre 25 et 35 ans.
Si on ne peut guérir la SEP, de nouveaux traitements permettent aujourd’hui de ralentir l’évolution de la maladie, ils seront d’autant plus efficaces que le diagnostic posé est précoce, ce qui est rarement le cas.
Automatiser la détection des lésions grâce au deep learning
La thèse « Apprentissage profond pour le big data en neuro-imagerie », dirigée par Pierrick Coupé, directeur de recherche CNRS au LaBRI (Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique), menée par le doctorant Reda Abdellah-Kamraoui depuis 2019, est au cœur de ces questions. Les méthodes de deep learning, développées pour les tâches de reconnaissance d’images, ont été mises à contribution pour automatiser ces opérations complexes et chronophages pour développer une nouvelle génération de méthodes d’analyse quantitative des IRM pouvant faire face à la montée du BigData en neuroimagerie.
Reda Abdellah-Kamraoui explique :
« Le diagnostic précoce de la sclérose en plaques passe notamment par l’observation par IRM de biomarqueurs, comme des lésions ou le volume anormal de certaines structures cérébrales. L’extraction manuelle de ces informations à partir d’images IRM prend un temps considérable, et des techniques automatiques ont donc été développées. »
Il ajoute :
« L’intelligence artificielle (IA) reste un outil capable de se tromper. Les médecins gardent le monopole du diagnostic. L’apprentissage profond permet cependant d’obtenir une prédiction objective, là où deux cliniciens ne donnent pas forcément la même interprétation. »
Générer de fausses images pour entraîner les algorithmes
Le deep learning nécessite une masse d’exemples et de données pour, dans ce cas, entraîner les algorithmes à distinguer les éléments importants sur les images IRM. Le problème rencontré par Reda Abdellah-Kamraoui est venu du fait que ces éléments ne sont pas standardisés car les différents appareils d’IRM n’ont pas les mêmes rendus selon leur constructeur et leur modèle. Il a donc appliqué la généralisation de réseaux de neurones, qui permet d’entraîner les algorithmes malgré des données hétérogènes.
Dans la même idée, une partie de ses travaux a été consacrée à la génération d’images synthétiques, il a ainsi pu remédier au manque de données pour entraîner les algorithmes. Dans ce cadre, Reda Abdellah-Kamraoui a participé au challenge de l’International Conference on Medical Image Computing and Computer Assisted Intervention (MICCAI), dédiée à l’imagerie médicale, sur la détection et la segmentation des nouvelles lésions dues à la sclérose en plaques.
Il précise :
“Il fallait détecter les nouvelles lésions à partir de deux IRM successives d’un même patient. Le souci est que comme les patients sont traités dès que des lésions sont repérées, les IRM suivantes ne montreront pas de différences importantes et nous manquons donc de données pour entraîner nos algorithmes. Nous avons alors proposé une technique où nous générons de fausses images IRM qui simulent le cas d’un patient qui n’aurait pas été traité pendant plusieurs années, puis nous nous en servons pour entraîner nos IA.”
Avec ses collègues, il s’intéresse également à la prédiction du score de sévérité de la SEP, à partir là encore d’images IRM, mais également de données démographiques et cliniques. Ce score est un paramètre très important pour l’adaptation du traitement par les médecins.
Une automatisation des IRM généralisable
Pour tous ces travaux, l’équipe utilise principalement le langage Python et une bibliothèque dédiée qui permet aux algorithmes de lire les IRM. En plus du deep learning, les chercheurs développent de l’apprentissage par transfert qui permet à un algorithme de maîtriser une nouvelle tâche grâce aux compétences apprises à partir de tâches antérieures. En effet, les systèmes basés sur les réseaux de neurones artificiels doivent souvent repartir de zéro, ou presque, pour apprendre une nouvelle mission, même si elle paraît similaire à la première.
En outre, ce travail de thèse intègre les outils développés au sein de la plateforme volBrain.
La plateforme volBrain
L’étude des IRM ne concerne pas seulement la sclérose en plaques. Pierrick Coupé, directeur de thèse de Reda Abdellah-Kamraoui, a ainsi créé avec Jose V. Manjón de l’université polytechnique de Valence (Espagne),la plateforme volBrain qui compte 3000 utilisateurs à travers le monde et a déjà traité 140 000 IRM. Cette plateforme en open access permet de télécharger des données d’IRM et d’effectuer automatiquement de nombreuses tâches utiles au diagnostic des maladies neurodégénératives comme la SEP mais aussi pour les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.
L’intégration de ces solutions est réalisée par Boris Mansencal, ingénieur de recherche au LaBRI. Un projet ANR, nommé DeepvolBrain, est actuellement en cours pour adapter la plateforme aux défis du big data, dus à l’explosion de la taille des données IRM. Des médecins à l’instar de Thomas Tourdias, professeur d’université et praticien hospitalier au CHU de Bordeaux, sont impliqués dans le projet.