Le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) évalue à 33 000 le nombre de décès annuels en Europe résultant de bactéries résistantes aux antibiotiques. Alors que peu de nouvelles classes d’antibiotiques ont été découvertes ou synthétisées ces 60 dernières années, une équipe de 21 chercheurs, dirigée par Felix Wong et James J. Collins, annonce la découverte d’une nouvelle classe d’antibiotiques grâce à l’IA et l’apprentissage profond explicable, permettant de s’attaquer au staphylocoque doré, hautement pathogène.
Felix Wong est postdoctorant dans le laboratoire de James J. Collins, professeur Termeer d’ingénierie médicale et de sciences au MIT. Le premier est cofondateur d’Integrated Biosciences tandis que le second est le président fondateur du conseil consultatif scientifique de la société. L’article rapportant leurs travaux intitulé “Découverte d’une classe structurelle d’antibiotiques avec un apprentissage profond explicable” a été publié dans Nature le 20 décembre dernier.
Parmi les co-auteurs figurent des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), du Broad Institute of MIT et de Harvard, du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering et de l’Institut Leibniz de recherche sur les polymères à Dresde, en Allemagne.
L’antibiorésistance du staphylocoque doré
Dans cette étude, les chercheurs se sont concentrés sur la découverte de classes structurales d’antibiotiques efficaces contre Staphylococcus aureus, nom latin du staphylocoque doré, une bactérie potentiellement mortelle, particulièrement redoutée en milieu hospitalier, dont certaines souches sont particulièrement résistantes aux antibiotiques.
Ils ont d’abord passé au crible un ensemble original de 39 312 composés contenant la plupart des antibiotiques connus, des produits naturels et des molécules structuralement diverses. L’équipe a évalué leurs activités antibiotiques et leurs profils de cytotoxicité, puis a utilisé des ensembles de réseaux neuronaux graphiques pour prédire l’activité antibiotique et la cytotoxicité pour 12 076 365 composés supplémentaires.
Les chercheurs ont utilisé des algorithmes graphiques explicatifs, conçus pour analyser la structure moléculaire des composés de manière à rendre le processus de prédiction plus compréhensible et explicite. Ils ont ainsi identifié les sous-structures responsables de l’activité antibiotique prédite, ayant une faible probabilité de toxicité pour les cellules humaines.
Ils ont ensuite testé 283 composés empiriquement et ont pu identifier une classe structurelle présentant une sélectivité élevée, capable de surmonter la résistance, et possédant des caractéristiques toxicologiques et chimiques favorables.
Pour évaluer l’efficacité de la nouvelle classe d’antibiotiques contre le staphylocoque doré (SARM) dans des conditions proches de celles d’une infection humaine, les chercheurs ont réalisé des expériences in vivo sur des souris. Ils ont constaté une réduction significative du nombre de bactéries, démontrant ainsi l’efficacité de cette classe structurelle dans le traitement topique et systémique du SARM chez la souris.
Ces résultats suggèrent que cette classe de composés pourrait être prometteuse pour le développement de nouveaux antibiotiques. Il faut toutefois vérifier leurs effets chez l’homme, des études cliniques sont déjà en cours.
Felix Wong déclare :
“Cette découverte d’une nouvelle classe d’antibiotiques est un résultat révolutionnaire qui montre que l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond explicable sont les seuls capables de catalyser la découverte de médicaments. Nos travaux mettent à la disposition du public plusieurs modèles très puissants pour prédire avec précision l’activité et la toxicité des antibiotiques. Il est important de noter qu’il s’agit de l’une des premières démonstrations que les modèles d’apprentissage profond peuvent expliquer ce qu’ils prédisent, avec des implications immédiates et profondes sur la façon dont la découverte de médicaments est effectuée et sur l’efficacité avec laquelle nous pouvons trouver de nouveaux médicaments à l’aide de l’IA”.
Références de l’article :
“Discovery of a structural class of antibiotics with explainable deep learning” Nature, https://doi.org/10.1038/s41586-023-06887-8
Auteurs :
Félix Wong, Erica J. Zheng, Jacqueline A. Valeri, Nina M. Donghia, Melis N. Anahtar, Satotaka Omori, Alicia Li, Andres Cubillos-Ruiz, Aarti Krishnan, Wengong Jin, Abigail L. Manson, Jens Friedrichs, Ralf Helbig, Behnoush Hajian, Dawid K. Fiejtek, Florence F. Wagner, Holly H. Soutter, Ashlee M. Earl, Jonathan M. Stokes, Lars D. Renner, James J. Collins.