Une équipe de chercheurs de l’Université d’Anvers a voulu savoir si certains globules blancs, les lymphocites T, jouaient un rôle dans la réponse immunitaire des vaccins. Grâce à l’Intelligence Artificielle, ils ont pu démontrer que les lymphocytes T CD4 accéléraient l’immunité après une primo-vaccination contre l’hépatite B. Ils ont publié les résultats de leur étude intitulée : « Les lymphocytes T CD4 mémoire préexistants chez les individus naïfs confèrent une immunité robuste à la vaccination contre l’hépatite B. » dans la revue eLife.
L’équipe de cette recherche a été constituée de membres de différents laboratoires et départements de l’Université d’Anvers : le Laboratoire d’Hématologie Expérimentale (LEH), Institut des Vaccins et Maladies Infectieuses, l’Unité d’Anvers pour l’analyse et le calcul des données en immunologie et séquençage, l’Adrem Data Lab, Département de Mathématiques et Informatique, le Département de génétique médicale, le Center for Health Economics Research & Modeling Infectious… parmi bien d’autres. Les chercheurs ont étudié le rôle des lymphocytes T, acteurs majeurs de la réponse immunitaire adaptative lors des infections, dans la vaccination. Le Pr Benson Ogunjimi, spécialiste en rhumatologie pédiatrique et en immunologie, explique :
« On sous-estime encore trop souvent le rôle des lymphocytes T dans la vaccination. L’immunité vaccinale est en effet attribuée en première instance aux anticorps produits par les lymphocytes B. »
Les lymphocytes T CD4
Les cellules immunitaires appelées lymphocytes T CD4 aident le corps à développer une immunité contre les infections causées par des bactéries et des virus, ou après la vaccination. Les protéines réceptrices situées à l’extérieur des cellules reconnaissent les agents pathogènes, les molécules étrangères appelées antigènes ou les antigènes vaccinaux. Les antigènes vaccinaux sont généralement des bactéries ou des virus inactivés, ou des fragments de ces agents pathogènes. Après avoir reconnu un antigène, les cellules T CD4 se transforment en cellules T CD4 mémoire prêtes à se défendre contre de futures infections par l’agent pathogène.
Les personnes qui n’ont jamais été exposées à un agent pathogène, ou qui n’ont jamais été vaccinées contre celui-ci, peuvent néanmoins avoir des cellules mémoire préexistantes prêtes à se défendre contre lui. Cela se produit parce que les cellules T CD4 peuvent reconnaître plusieurs cibles, ce qui permet au système immunitaire d’être prêt à se défendre contre les agents pathogènes nouveaux et familiers.
Le rôle de l’intelligence artificielle
Pour savoir si le fait d’avoir des lymphocytes T CD4 mémoire préexistants confère un avantage pour l’immunité induite par le vaccin, les chercheurs ont constitué une cohorte de trente-quatre personnes n’ayant jamais été exposées à l’hépatite B, ni vaccinées contre celle-ci. Ces personnes ont fourni des échantillons de sang avant la vaccination, puis avec 2 doses du vaccin contre l’hépatite B, et 3 fois par la suite. En utilisant des techniques de séquençage immunitaire et d’apprentissage automatique de nouvelle génération, les chercheurs ont analysé les lymphocytes T CD4 mémoire des individus avant et après la vaccination. Le Dr Pieter Meysman, expert en mégadonnées, explique :
« Chaque individu possède un ensemble unique de lymphocytes T, qui sont même différents entre deux jumeaux univitellins. De ce fait, il est extrêmement difficile de dresser le tableau de cette facette du système immunitaire au moyen des techniques génomiques classiques. Nous avons appris à des ordinateurs à comprendre le langage génétique des lymphocytes T et à le décoder pour en tirer une cartographie immunitaire à l’échelon de l’individu – un défi extrêmement complexe que nous avons pu relever au terme de près de sept années de recherches (financées par l’université d’Anvers) grâce à une équipe composée notamment de vaccinologues, d’immunologues, de généticiens et d’informaticiens. »
Les expériences ont montré que les lymphocytes T CD4 mémoire préexistants peuvent déterminer les résultats de la vaccination, et les personnes possédant davantage de cellules mémoire préexistantes développent une immunité plus rapide et plus forte après la vaccination contre l’hépatite B. Ces informations peuvent aider les scientifiques à mieux comprendre comment les gens développent une immunité contre les agents pathogènes. Cela peut les guider dans le développement de meilleurs vaccins ou prédire qui développera une immunité après la vaccination.
Un large éventail d’applications potentielles
Les chercheurs ont créé la société ImmuneWatch pour accélérer le développement d’outils de diagnostic et de thérapies basés sur les lymphocytes T. Ils se donnent pour mission de « rendre les données du répertoire immunitaire interprétables et exploitables en annotant les récepteurs des lymphocytes T d’une manière cliniquement significative.» Le Pr Kris Laukens, bio-informaticien déclare au sujet de cette société :
« Elle nous permettra de proposer notre technologie à la société à une échelle qui n’est pas à la portée d’une université. Il est évident pour nous que cette technologie ouvre la voie à un large éventail d’applications potentielles. Dans le futur, nous avons par exemple l’intention de développer entièrement par ordinateur – en préalable aux essais cliniques – un vaccin sûr et efficace qui pourrait même être adapté à chaque individu, sans nécessiter d’études animales. Cette technologie pourrait aussi être utilisée pour développer de nouveaux traitements contre le cancer ou contre diverses maladies auto-immunes, dans lesquelles les lymphocytes T jouent également un rôle majeur. »
Sources de l’article : eLife 2022;11:e68388.
Les auteurs : George Elias, Pieter Meysman, Esther Barthélemy, Nicolas de Neuter, Nina Keersmaekers, Arvild Suls, Hilde Jansens, Aïcha Souquette, Hans De Reu, Evelien Smits, Eva Lion, Paul G Thomas, Geert Mortier, Philippe Beutels, Viggo Van Tendeloo, Benson Ogunjimi, Marie-Paule Emonds, Pierre Van Damme, Kris Lauken.