Data, algorithmes et IA : les recommandations du Conseil national de l’Ordre des médecins

Santé, algorithmes, IA

Le Conseil national de l’Ordre des médecins, sous la coordination du Dr. Jacques Lucas et du Pr. Serge Uzan, publie un livre blanc consacré aux « Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle » et formule 33 propositions.

Ce document explore notamment l’impact actuel et futur des nouvelles technologies pour l’exercice de la médecine, pour la formation initiale et continue des médecins, pour la recherche médicale, et pour la place des patients dans le système de santé. Plus généralement, il appelle à :

« Identifier dès maintenant les risques que la société numérique comporte afin de les combattre tout en soutenant tous les bénéfices qu’elle peut apporter au service de la personne ».

Rappelant que :

« la médecine comportera toujours une part essentielle de relations humaines, quelle que soit la spécialité, et ne pourra jamais s’en remettre aveuglément à des « décisions » prises par des algorithmes dénués de nuances, de compassion et d’empathie », les auteurs du livre blanc estiment néanmoins que les « algorithmes et l’intelligence artificielle seront nos alliés, comme un apport essentiel pour l’aide à la décision et à la stratégie thérapeutique », ainsi qu’à la recherche médicale.

Dès lors, le Conseil national de l’Ordre des médecins, pour « accompagner l’ensemble de la profession, dans la diversité de ses exercices », pour « renforcer sa collaboration avec les patients », et pour assurer que les nouvelles technologies soient réellement mises « au service de la personne et de la société », émet 33 recommandations.

On relève parmi celles-ci que :

  • « Des règles du droit positif viennent protéger » un principe éthique fondamental : « une personne et une société libres et non asservies par les géants technologiques. » [recommandation n°1]
  • L’Ordre estime qu’il est « impératif que les progrès attendus des technologies d’intelligence artificielle, big data et robotique profitent à tous et n’accentuent pas des fractures sociales, socio-économiques ou culturelles. Notre société, par son organisation démocratique et républicaine, doit particulièrement veiller à ce que les progrès qui pourraient être issus de ces technologies, dans le dépistage, la connaissance fine des maladies et des risques de leur survenue, n’altèrent pas notre modèle solidaire de protection sociale, mais contribuent à réduire les inégalités et les risques d’exclusion. » [recommandation n°3]
  • Le CNOM « recommande à la puissance publique » d’organiser un débat public « sur l’impact des technologies d’intelligence artificielle et de la captation des données massives », débat qui serait « seul à même d’éclairer ensuite les délibérations parlementaires, qu’elles soient nationales ou européennes. » [recommandation n°6]
  • L’Ordre des médecins recommande également à la puissance publique « de soutenir l’émergence du Service public gratuit d’informations en santé prévu par la loi, en y associant les productions des sociétés scientifiques et la libre expression critique « du patient empowerment » et des blogs médicaux, comme expression de la démocratie sanitaire, dans le cadre d’une charte éditoriale à construire avec toutes les parties prenantes. » [recommandation n°7]
  • Dans le cadre de la Stratégie nationale de santé du gouvernement, le CNOM recommande « que le développement des dispositifs techniques ayant recours à l’intelligence artificielle soit incité à aller dans le sens d’un marché industriel d’aide à la décision médicale et non pas vers celui qui dicterait au médecin comme au patient une décision rendue par l’algorithme qui s’imposerait à eux sans être susceptible de critique ou de transgression. » [recommandation n°10]
  • En termes de formation, le CNOM « estime indispensable de former, dès maintenant, les médecins en fonction du monde dans lequel ils exerceront, où les technologies tiendront, aux côtés de la clinique, une grande place. » Il recommande également que « dans le cursus de formation initiale, comme d’ailleurs ensuite dans le développement professionnel continu, la simulation utilisant des moyens numériques interactifs soit plus largement déployée, soit dans l’apprentissage de situations soit dans celui de la technicité d’un geste ou d’une investigation.» Enfin, le CNOM recommande que « lors de la détermination démographique des divers spécialistes médicaux à former durant leurs cursus universitaires, et dans les contenus de ces formations, il soit tenu compte des évolutions prévisibles des métiers. » [recommandations n°15, 16 et 18]
  • Le CNOM rappelle par ailleurs que « la préservation du secret médical couvrant les données personnelles de santé doit être appliquée aux traitements des données massives et que leur exploitation ne doit pas permettre l’identification d’une personne, au risque de conduire à des discriminations. » [recommandation n°24]
  • En termes d’encadrement, le CNOM estime « qu’il ne faut pas chercher à légiférer sur tout, ni tout vouloir réglementer par décret. Il recommande, en revanche, que des instances qualifiées puissent émettre des règles de droit souple, selon le principe de la « soft law » des pays anglo-saxons. » Le CNOM préconise ainsi la création « d’un observatoire national des technologies d’intelligence artificielle et robotique en santé qui recense leurs résultats et l’évolution des usages » afin d’orienter les travaux à réaliser en matière de recommandations en « droit souple ». [recommandations n°29 et 31]
  • Enfin, le Conseil national de l’Ordre des médecins constate « que la fracture numérique persiste, et relève que l’expression « déserts médicaux » couvre territorialement de façon assez spectaculaire d’autres « déserts de droits » comme celui des services publics, mais aussi des « déserts numériques » par manque d’accès à Internet et au haut débit. Le CNOM recommande que les efforts, notamment financiers en matière d’équipement, permettent de doter l’ensemble du territoire de l’accès au Haut débit. Cette ambition vise à garantir l’égalité des droits aux usages du numérique. Ces efforts doivent être accélérés, en particulier sur les zones fragiles, afin de ne pas ajouter une fracture numérique dans l’accès aux innovations en santé et aux soins. Une attention spécifique doit être portée aux départements ultramarins. » [recommandation n°32]

A l’occasion de la publication de ce livre blanc, l’Ordre des médecins organisera, le 30 janvier 2018, un Débat de l’Ordre consacré aux « Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle. »

Modéré par le Dr. Jacques Lucas et le Pr. Serge Uzan, ce débat réunira :

  • Victor DEMIAUX, Conseiller de la Présidente de la CNIL ;
  • Laurence DEVILLERS, Professeure en informatique à Paris Sorbonne – LIMSI, CNRS ;
  • Jean Gabriel GANASCIA, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, Président du comité d’éthique du CNRS ;
  • Magali LÉO, Renaloo, Association de patients malades du rein ;
  • Olivier PALOMBI, Conférence des doyens des facultés de médecine ;
  • Dominique POLTON, Présidente de l’Institut national des données de santé ;
  • Guy VALLANCIEN, de l’Académie nationale de médecine.

Il donnera lieu à un compte-rendu public. Vous pouvez télécharger dès à présent ce livre blanc et les 33 recommandations du CNOM.

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