Inauguré fin février par le premier ministre de la République du Congo, ARCAI, tout nouveau centre de recherche dédié à l’intelligence artificielle est installé dans les locaux de l’Université Kintélé, à Brazzaville, capitale du pays. Financé par la CEA, (Commission Economique pour l’Afrique) et ses partenaires, ce centre vise à « Permettre aux populations africaines de bénéficier de la révolution industrielle » en accédant à des formations qui permettront de combler la fracture numérique, renforcer la croissance économique inclusive et faire que l’Afrique adopte des outils numériques modernes.
Le déploiement et la mise en œuvre de l’IA font partie des programmes de développement d’une partie croissante des pays africains. Plusieurs initiatives au niveau continental ont vu le jour, entre autres le Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) ou la Stratégie globale de transformation numérique pour l’Afrique de la Commission de l’Union africaine.
Le développement d’infrastructures et de services numériques dans les secteurs de la santé, de l’agriculture, de l’éducation et du commerce et la résorption de la fracture numérique permettront à l’Afrique de bénéficier du potentiel de la transformation numérique.
ARCAI, centre panafricain du Congo
ARCAI vise à stimuler la formation en IA mais aussi à apporter un soutien à la recherche ainsi qu’à la croissance des infrastructures, de la politique numérique et de la finance.
Côté enseignement, il proposera, entre autres, des programmes de Maîtrise en intelligence artificielle et en science des données.
Mactar Seck, chef de la section technologie et innovation à la CEA, a déclaré lors d’une interview à franceinfo Afrique :
« Nous avons élaboré un contenu LMD (Licence-Master-Doctorat) qui va être dispensé à partir de l’année prochaine, en collaboration avec l’université Sassou N’Guesso. Le centre est notamment équipé d’une plateforme d’e-learning qui peut accueillir 10 000 étudiants simultanément. Des cours en présentiel seront également disponibles à destination des acteurs du secteur privé et des gouvernements. »
La recherche qui se consacrera à l’agriculture, la santé, l’industrie et l’environnement va pouvoir débuter ce mois-ci dès l’arrivée d’ordinateurs performants, nécessaires pour « la structuration de données » qui nécessite « de puissantes machines ».
Mactar Seck précise à franceinfo Afrique :
« Les cours en ligne ont déjà commencé. Nous attendons des chercheurs africains mais aussi de tous les continents. Il y a un partenariat qui est en train d’être mis en place avec plusieurs universités qui travaillent dans le domaine de l’Intelligence artificielle en Afrique et en Europe, aux Etats-Unis et en Angleterre. »
L’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et de grandes entreprises comme Google n’excluent pas de devenir elles aussi partenaires du centre.
Mactar Seck ajoute :
« Il faut d’abord maîtriser cette technologie qui permet, non seulement de lutter contre la pauvreté, mais aussi de créer beaucoup d’emplois pour les jeunes sur le continent et de la valeur ajoutée. La contribution au PIB est extrêmement importante. »
Réduire la fracture numérique
Bien que les pays africains appréhendent les bénéfices financiers que l’IA peut apporter à leur économie, à l’instar du Rwanda qui a inauguré récemment un centre CAI4R dédié à l’intelligence artificielle et développé son réseau internet, la majorité de la population africaine, surtout rurale, n’a pas accès à internet soit par manque de réseau soit parce qu’elle n’a pas les moyens de s’offrir un abonnement. Au Congo, les prix ont d’ailleurs considérablement augmenté en 2021.
Lors de l’inauguration d’ARCAI, la secrétaire exécutive de la CEA, Vera Songwe, a déclaré :
« Il est urgent que le gouvernement fournisse l’Internet haut débit, rapide, abordable et fiable pour faciliter la transformation numérique si indispensable. »
Julie Owono, directrice exécutive de l’ONG Internet sans frontières, a ajouté :
« Je partage la préoccupation de Vera Songwe : avant de parler d’Intelligence artificielle, il faut parler de l’accès à Internet, de son coût. Celui-ci représente une part beaucoup trop importante du budget d’un citoyen africain moyen. Selon les dernières statistiques de l’Alliance for Affordable Internet, les Africains dépensent 5% de leur budget mensuel pour accéder à 1Go d’Internet alors que la moyenne fixée par l’Union internationale des télécommunications (UIT) est de 2%. »
Investir plus dans la recherche en IA
Lors de cette inauguration, Julie Owono a remercié le Gouvernement du Congo pour sa collaboration qui a facilité la création de ce centre, qui, pour elle, est « une étape cruciale visant à faire avancer l’innovation et la création d’emplois en Afrique » mais elle a ajouté que :
« Il y a des pays qui font de la recherche en Intelligence artificielle une priorité depuis des années et investissent des milliards de dollars. Essayons d’aller au-delà des effets d’annonce − on en lit beaucoup quand il s’agit de connectivité, d’Internet, de digital et de numérique en Afrique − et mettons des moyens réels dans la recherche, dans le développement de celle-ci, dans la formation d’ingénieurs et dans la formation en mathématiques. »
Avec la création de ce centre, le Congo vise à devenir un hub régional majeur pour le développement des technologies émergentes.