Le réchauffement climatique va avoir un impact important sur l’agriculture, les scientifiques cherchent à trouver des solutions pour adapter les systèmes agricoles aux aléas climatiques extrêmes. Des chercheurs d’INRAE, de l’Université de Bordeaux et de l’Université Pontificale Catholique du Chili ont étudié 24 espèces de plantes du désert d’Atacama (Amérique du Sud), une des régions les plus arides de la planète, pour comprendre les mécanismes de résilience des plantes dans un environnement hostile. les résultats de leur étude intitulée « La métabolomique prédictive de plusieurs espèces végétales d’Atacama dévoile un ensemble de base de métabolites génériques pour une résilience climatique extrême » ont été publiés dans « New Phytologist ».
Le désert d’Atacama, un milieu inhospitalier
Situé dans le nord du Chili, le désert d’Atacama est l’endroit le plus sec du globe et une des régions les plus inhospitalières de la planète : altitude entre 2 400 et 4 500m, stress thermique dans les étages supérieurs, stress hydrique et forte salinité dans les étages inférieurs, sol pauvre en azote, très forte intensité lumineuse. Les espèces végétales présentes dans ce désert sont celles subissant les pires conditions climatiques sur Terre. Seules les plantes les plus résistantes s’y accrochent aux roches et au sable privés d’eau. La manière dont elles ont réussi à prospérer dans un endroit aussi hostile présente un intérêt particulier pour les scientifiques. Ceux de l’étude ont cherché à comprendre comment la vie végétale peut s’adapter à l’évolution des écosystèmes dans des conditions extrêmes grâce à la métabolomique, c’est-à-dire l’étude de l’ensemble des molécules impliquées dans le métabolisme d’un organisme vivant.
Une même stratégie d’adaptation aux conditions extrêmes
Les scientifiques ont utilisé une approche innovante, la métabolomique prédictive, pour étudier les mécanismes de résilience des plantes de l’Atacama. Ils ont analysé environ 5 000 signaux métaboliques provenant de 24 espèces de plantes de ce désert poussant à différentes altitudes. Après un traitement statistique grâce au machine learning, ils ont réussi à identifier 39 molécules communes à toutes les espèces, permettant de prédire l’environnement de la plante avec une précision de 79%. Ils ont pu relier l’expression de ces molécules à différents facteurs de stress environnementaux comme des températures de gel, le déficit en eau ou une très forte intensité lumineuse.
Les résultats de cette étude démontrent également une stratégie métabolique convergente dans l’évolution des plantes endémiques de différentes familles pour l’adaptation et la résilience aux conditions environnementales extrêmes. Ces molécules sont également présentes dans des espèces végétales cultivées sous d’autres climats comme des poacées (maïs), des fabacées (pois), des solanacées (tomates), ou des astéracées (tournesol). Aujourd’hui, il faut une dizaine d’années aux scientifiques et aux producteurs pour développer une nouvelle espèce végétale répondant à des critères environnementaux précis comme la résistance au gel par exemple. Grâce à l’approche multi-espèces développée dans cette étude, ce délai pourrait être fortement réduit et permettrait aux professionnels de s’adapter plus rapidement aux contraintes du changement climatique.
Sources de l’article :
Dussarrat, T., Prigent, S., Latorre, C., Bernillon, S., Flandin, A., Díaz, F. P., et al. (2022). Predictive metabolomics of multiple Atacama plant species unveils a core set of generic metabolites for extreme climate resilience. New Phytologist, nph.18095. DOI:10.1111/nph.18095.