Alors que nous sommes nombreux à admirer les clichés bien réels de Thomas Pesquet depuis l’espace, une étude menée par des chercheurs de plusieurs universités américaines a mis en évidence le développement de phénomènes d’usurpation géographique et appelle à “démystifier la question de la fiabilité absolue des images satellites ou d’autres données géospatiales”. En prenant comme exemple les images satellitaires d’un incendie dans Central Park, à New York ou d’un feu d’artifice du côté de Divali, en Inde, ils ont pu remarquer que ces évènements n’avaient jamais eu lieu et que ces photographies avaient été falsifiées alors que tout semblait bien réel. Avec la création de nouvelles technologies liées à l’IA de plus en plus développées, les chercheurs craignent que le phénomène ne devienne récurrent.
Un projet de recherche pour lutter contre les falsifications géographiques
Ce projet de recherche a été mené par Bo Zhao, de l’université de Washington, Shaozeng Zhang, Chunxue Xu, Yifan Sun, de l’université de l’État de l’Oregon et Chengbin Deng de l’université de Binghamton. Elle a abouti à une publication explicitant leurs résultats. En utilisant des photos satellites de trois villes et en s’appuyant sur des méthodes de manipulation de fichiers audio et vidéos, cette équipe de chercheurs a réussi à identifier de nouvelles façons de détecter de fausses photos satellites. Leur objectif est de mettre en garde contre les dangers des données géospatiales falsifiées et de sensibiliser autour de la création d’un système de vérification des données géographiques.
Depuis l’Antiquité, l’inexactitude des emplacements fait partie de la cartographie. Toutefois, par le passé, ces erreurs étaient involontaires et les moyens techniques étaient bien moins performants. De plus, cela est dû à la traduction d’emplacements réels sous forme de carte : aucune carte ne peut réellement être exacte quant au positionnement de tous les lieux qu’elle souhaite faire figurer.
Aujourd’hui, la présence de systèmes d’information géographique, de Google Earth, Google Maps ou d’autres systèmes d’imagerie par satellite, a réduit le taux d’erreurs cartographiques. Usurper un emplacement implique un niveau de sophistication beaucoup plus élevé et comporte beaucoup plus de risques, mais cela ne veut pas dire que la tâche est impossible à réaliser. Il y a maintenant deux ans, le département de la défense des États-Unis évoquait déjà le fait que la manipulation délibérée d’images satellites grâces à l’IA pouvait constituer une menace grave en matière de sécurité nationale.
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine de la géographie
Pour étudier comment les images satellites peuvent être truquées, l’équipe de chercheurs s’est servi un algorithme qui a déjà été utilisé pour manipuler d’autres types de fichiers numériques. Lorsqu’il est appliqué au domaine de la cartographie, l’algorithme, afin d’être entrainé, apprend les caractéristiques des images satellites d’une zone urbaine, puis génère une fausse image à partir de la base de données qu’il possède. Le système analyse toutes ses caractéristiques et fait la comparaison entre la vraie et la fausse image.
Plus précisément : les chercheurs ont eu à leur disposition des images satellites de la ville de Tacoma. Ils ont conservé cette base de données et ont utilisé des images satellites de Seattle et Pékin qu’ils ont combinés aux images de Tacoma afin de produire de fausses images pouvant correspondre à la ville de Tacoma pour l’oeil humain. Il a suffi de soumettre ces images pour entrainer l’algorithme à détecter les vraies des fausses.
L’auteur principale de la publication, Bo Zhao, s’est exprimée sur sa volonté de réaliser une étude sur les falsifications géographiques :
“L’objectif de l’étude n’était pas de montrer que les données géospatiales peuvent être falsifiées. […] Alors que la technologie continue d’évoluer, cette étude vise à encourager une compréhension plus holistique des données et informations géographiques, afin que nous puissions démystifier la question de la fiabilité absolue des images satellites ou d’autres données géospatiales. […] Nous voulons également développer une réflexion plus orientée vers l’avenir afin de prendre des contre-mesures telles que la vérification des faits si nécessaire.”
Toutefois, Bo Zhao précise que les images satellitaires simulées peuvent servir dans certaines situations comme la compréhension d’un étalement urbain ou alors pour saisir des enjeux du changement climatique. Dans certains cas, il n’existe aucune image satellite pouvant aider les spécialistes. C’est à ce moment-là que la création de nouvelles images basées sur celles déjà existantes peut combler les lacunes et fournir une aide précieuse pour le chercheur.