La manipulation d’images dans les articles de recherche est devenue un sujet de préoccupation croissante pour la communauté scientifique. Qu’elles soient accidentelles ou intentionnelles, ces modifications remettent en cause la crédibilité de la recherche et des revues scientifiques. Pour y remédier et restaurer la confiance du public, Science a déclaré dans son éditorial de janvier qu’il utiliserait Proofig, un outil basé sur l’IA qui analyse les images, pour détecter les altérations dans ses six revues.
Il existe différents types de manipulation d’images, allant des erreurs involontaires aux fraudes délibérées. Par exemple, certains auteurs peuvent dupliquer, recadrer, faire pivoter, redimensionner ou fusionner des images provenant de techniques expérimentales telles que la microscopie, la cytométrie en flux ou les Western blots (transferts de protéines), des altérations qui peuvent fausser les résultats ou induire les lecteurs en erreur. Elles sont les principales causes de rétractations d’articles, des opérations très coûteuses pour les revues scientifiques mais également pour leur réputation.
Des chercheurs comme Elisabeth Bik, qui a révélé l’existence d’une “fabrique” d’articles falsifiés en Chine, ce qu’elle explique par le fait qu’un doctorant chinois doit avoir publié au moins un article pour obtenir son diplôme, travaillent à détecter ces altérations avec l’aide d’outils d’intégrité d’images comme Imagetwin ou Proofig. Elle collabore d’ailleurs avec le site PubPeer où il est possible de partager les failles détectées dans les articles scientifiques.
H.Holden Thorp rappelle dans son éditorial que “des incidents très médiatisés, comme celui impliquant le laboratoire de l’ancien président de l’Université Stanford, Marc Tessier-Lavigne, ont érodé la confiance du public dans la science et nui à la carrière des chercheurs qui ont manqué des images trafiquées provenant de leurs propres laboratoires”.
En juillet dernier, Marc Tessier-Lavigne a en effet été contraint de démissionner de son poste de président de l’Université Stanford après qu’Elisabeth Bik ait révélé en 2022 qu’il était soit auteur principal, soit coauteur de quatre articles contenant des résultats manipulés.
Vérification de l’intégrité des images avec Proofig
Pour éviter les rétractations d’articles, Science, qui dit utiliser le logiciel de détection de plagiat iThenticate depuis sept ans, renforce son processus de vérification avec Proofig, qui se concentre sur l’analyse d’images plutôt que sur le texte. Auparavant, ce sont des examinateurs humains qui étaient chargés d’une partie des vérifications d’images, l’outil d’IA sera étendu cette année à tous les articles présentant des images “pertinentes“, après des mois de tests concluants.
Proofig sera appliqué après la révision des articles par les auteurs. L’outil analyse les images, identifie les duplications et repère d’autres anomalies, telles que la rotation, la distorsion d’échelle et l’épissage. Les résultats sont ensuite examinés par le rédacteur en chef, qui détermine si les anomalies détectées par l’IA sont problématiques ou non. Il peut parfois s’agir de simples erreurs, H. Thorp explique également que “dans certains cas, les figures peuvent avoir des rotations ou des duplications intentionnelles qui sont expliquées dans l’article”, mais un auteur peut choisir de fusionner ou dupliquer des images pour falsifier les résultats, ce qui est nettement plus grave.
Les auteurs sont contactés pour des explications et des corrections. Lors de la phase pilote, la plupart des problèmes ont été résolus de manière satisfaisante.
L’outil a permis de détecter des articles qui ne devraient pas être publiés. H. Thorp affirme que “À l’avenir, si la réponse des auteurs n’est pas satisfaisante ou soulève des préoccupations supplémentaires, nous approfondirons l’enquête et prendrons des mesures qui pourraient inclure le rejet de l’article”. Il ajoute que “Si des problèmes d’intégrité d’image sont soulevés à propos d’un article déjà publié par une revue scientifique, nous utiliserons Proofig pour examiner attentivement les images suspectes, ce qui éclairera les actions ultérieures (par exemple, la correction ou la rétractation)”.