Afrique : un chercheur de l’IFRI étudie le déploiement des panneaux solaires en zone urbaine grâce au deep learning

Hugo Le Picard, chercheur au Centre Énergie & Climat de l’Ifri, et Mathieu Toulemont, Senior Machine Learning Engineer chez PhotoRoom ont cherché à mesurer la progression du solaire décentralisé en milieu urbain en Afrique. Pour cela, ils ont utilisé des méthodes de Deep learning pour analyser 2,4 millions d’images satellites de 14 villes subsahariennes. Ils ont publié leur étude intitulée « Le solaire décentralisé à l’assaut des villes africaines. Une analyse originale d’analyse satellite et de Deep Learning » dans les Briefings de l’Ifri, le 18 janvier dernier.

L’Institut français des relations internationales (Ifri) a été créé par Thierry de Montbrial en 1979, il en est d’ailleurs le Président et affirme :

« L’Institut français des relations internationales (Ifri) est la première institution française de recherche et de débat sur les relations internationales. Il est aussi une plateforme unique pour la compréhension du monde contemporain. Il est devenu en 40 ans une référence à l’échelle mondiale, reconnue par ses pairs. »

Hugo le Picard y travaille en particulier sur les questions de pauvreté énergétique, d’accès à l’électricité et de financement d’infrastructures électriques en Afrique subsaharienne. Il a mené cette étude, qui a démontré que les systèmes solaires décentralisés étaient de plus en plus nombreux dans les villes qui sont couvertes par le réseau électrique, avec Matthieu Toulemont.

Un réseau électrique peu fiable

En 2016, la Banque Mondiale déclarait :

« Actuellement, un Africain sur trois seulement a accès à l’électricité, les habitants étant souvent condamnés à recourir au kérosène ou à passer des heures dans le noir. Quant aux compagnies d’électricité de la région, elles sont à court d’argent, pénalisées par des infrastructures vieillissantes et incapables d’assurer une alimentation fiable à leurs clients. Si rien n’est fait pour remédier à cette situation, il y aura plus d’Africains privés d’électricité en 2030 qu’aujourd’hui. »

La crise du Covid-19 a fait repartir le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité à la hausse bien que de réels efforts d’électrification aient été faits.

L’obstacle majeur que rencontrent les personnes raccordées est le manque de fiabilité du réseau. De fréquentes coupures de courant sont constatées et même si le réseau fonctionne, les baisses de voltage limitent l’utilisation d’appareils électriques. Le Nigeria a, par exemple, un taux de connexion au réseau d’environ 83,9 % dans les zones urbaines mais celui-ci ne fonctionne que 50 % du temps. Cette faiblesse des réseaux électriques subsahariens a, en outre, un effet négatif considérable sur les économies, représentant en moyenne selon les pays, un coût allant de 1 à 5 % du produit intérieur brut (PIB) national.

Le continent africain connaît une démographie galopante : l’ONU prévoit que la population subsaharienne va doubler d’ici 2050 pour atteindre 2,1 milliards d’habitants.

L’augmentation des besoins en électricité due à la croissance économique et démographique, son prix élevé et le manque de fiabilité des réseaux ont incité les consommateurs à s’auto-suffire pour leur consommation électrique grâce aux générateurs diesels ou les systèmes solaires décentralisés, même en zone urbaine.

Analyse d’images satellites grâce au Deep Learning et à l’économétrie spatiale

Les chercheurs ont limité leur analyse à quatorze villes. Ils ont utilisé l’API Maps Static de Google pour la collecte d’images satellites de zones carrées de rayon de 2,5 kilomètres (km) autour des points géolocalisés de la base de données socio-économiques d’Afrobarometer. Plus de 2,4 millions d’images, représentant une superficie totale d’environ 4,6 milliards de mètres carrés ont ainsi été téléchargées.

Pour analyser les images satellite, un pipeline articulé autour de deux différents modèles de CNN a été établi pour déterminer d’abord la géolocalisation des panneaux solaires, puis en extraire la surface. Tout d’abord, un modèle de classification a donné la probabilité qu’un panneau soit présent dans une image. Ensuite, un modèle de segmentation a été appliqué afin de déterminer la surface du panneau.

Les données collectées à partir d’imagerie satellitaire ne permettent pas au modèle de faire la différence entre les panneaux solaires résidentiels d’une part et les panneaux solaires installés sur les installations commerciales d’autre part. Pour surmonter ce problème, l’équipe a utilisé une méthode de machine learning : un modèle de mélange Gaussien (Gaussian Mixture Model – GMM).

Conclusions de l’étude

L’analyse de millions d’images satellite dans 14 villes d’Afrique subsaharienne a démontré que la capacité solaire décentralisée qui y est installée se situe entre 184 MW et 231 MW. Cela représente déjà près de 10 % de la capacité solaire installée dans la région (hors Afrique du Sud). L’élargissement de cette analyse aux autres villes africaines augmenterait donc très probablement et de façon importante cette estimation.

L’analyse économétrique à partir du croisement des données socio-économiques d’Afrobarometer et des données collectées a permis de constater que les personnes faisant partie des classes les plus aisées sont les plus susceptibles d’adopter des systèmes solaires décentralisés, quelle que soit la fiabilité de leur approvisionnement électrique du réseau centralisé.

Les compagnies d’électricité subsahariennes sont face à un problème crucial : ce sont les clients solvables qui se tournent vers des solutions hybrides.

Sources de l’article : Hugo Le Picard et Matthieu Toulemont, “Le solaire décentralisé à l’assaut des villes africaines. Une analyse originale d’analyse satellite et de Deep Learning” Briefings de l’Ifri, Ifri, 18 janvier 2022.
ISBN : 979-10-373-0463-6

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