L’espace fascine et pour mieux l’observer, des projets sont mis en place. Parmi les plus notoires en ce moment on trouve par exemple le vaisseau spatial James Webb, qui doit être lancé le 18 décembre prochain, et l’observatoire Square Kilometer Array ou SKAO. De son côté, une équipe des universités de Genève (UNIGE), de Bern (UniBe) et du NCCR PlanetS, en collaboration avec l’entreprise Disaitek, a utilisé l’intelligence artificielle appliquée à la reconnaissance d’images pour découvrir de nouvelles exoplanètes et leurs outils ont été publiés dans la revue Astronomy and Astrophysics.
Pour découvrir des exoplanètes, les astronomes se basaient jusqu’à présent sur la méthode des transits. Cette méthode photométrique est basée sur la mesure de la lumière d’une étoile qui diminue faiblement lorsqu’elle est occultée par sa planète (mini éclipse). La probabilité d’une détection est bien meilleure quand la mission est située dans l’espace, comme les missions Corot et Kepler l’ont démontré. De plus, il faut que le transit se répète périodiquement un nombre suffisant de fois avant de pouvoir commencer à envisager que l’on a détecté une exoplanète.
La détection d’une planète par la méthode des transits prend donc beaucoup de temps. Avec les procédés actuels, il est très compliqué voire même impossible de détecter le signal provoqué par les petites planètes dans des données possiblement altérées par des interactions entre planètes.
UNIGE, UniBE, NCCR PlanetS ont décidé de développer des outils pour découvrir des exoplanètes qui résoudraient cette complexité, ils ont ainsi appris à une machine à prédire l’effet des interactions entre planètes et ont découvert des exoplanètes impossibles à détecter auparavant. Ils se sont alors associés à l’entreprise Disaitek via la Technology & Innovation Platform du NCCR. Andrien Leleu, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et au NCCR PlanetS explique :
“C’est pourquoi nous avons songé à utiliser l’intelligence artificielle appliquée à la reconnaissance d’images. Il est en effet possible d’apprendre à une machine, en utilisant un grand nombre d’exemples, à prendre en compte tous les paramètres et prédire l’effet des interactions entre planètes dans une représentation imagée de l’effet induit.”
Un réseau de neurones artificiels efficace pour identifier les objets.
UNIGE et ses associés vont utiliser un algorithme déjà connu : celui qui aide au pilotage des voitures autonomes en repérant la route, les trottoirs, les panneaux et les piétons perçus par la caméra. Cet algorithme, utilisé pour la détection d’exoplanètes, devra indiquer s’il y a éclipse pour chaque mesure de luminosité de l’étoile en recoupant toutes les configurations vues pendant son apprentissage.
Dans le contexte de détection d’exoplanètes, le but est de déterminer, pour chaque mesure de luminosité de l’étoile, si l’éclipse d’une planète est observée. Le réseau de neurones prend sa décision en recoupant toutes les observations disponibles de cette étoile avec l’éventail de configurations vues durant son apprentissage.
Adrien Leleu explique :
“Dès les premières implémentations de la méthode, nous avons découvert deux exoplanètes ( Kepler-1705b et Kepler-1705c qui avaient été totalement manquées par les précédentes techniques. Les systèmes planétaires ainsi découverts sont une mine
d’or pour nos connaissances sur les exoplanètes, et plus particulièrement sur les planètes de type terrestre qui sont généralement difficiles à caractériser.”
Grâce à cette méthode, il est possible d’estimer le rayon des planètes et leur masse, donc leur densité et leur composition. Yann Alibert, professeur à l’Université de Berne et officier scientifique du NCCR PlanetS est très enthousiaste et déclare :
“L’utilisation de l’IA, en particulier la technique de l’apprentissage profond, est de plus en plus répandue en astrophysique, que ce soit pour traiter des données d’observations comme dans cet article, ou pour analyser des résultats de gigantesques simulations numériques produisant des téraoctets de données. Ce que nous avons développé dans cette étude est un nouvel exemple du fantastique apport que ces techniques peuvent apporter dans notre domaine, et probablement dans tous les champs de recherche.
Une technologie utile sur Terre
Cette méthode a donc prouvé son efficacité pour l’astronomie, elle pourrait se montrer précieuse également pour l’observation de la Terre et de son environnement. Grégory Châtel, responsable R&D chez Disaitek confirme :
“En développant cette technologie, nous nous sommes rapidement aperçus de son potentiel d’application à d’autres problèmes pour lesquels une faible quantité de données est disponible.
Disaitek utilise désormais cette IA pour traiter des problématiques environnementales, notamment la détection des dépôts sauvages de déchets et des décharges illégales, grâce à des images satellites à très hautes résolutions. Par la suite, elle pourrait être un moyen de résoudre des problèmes écologiques cruciaux.
Référence : Alleviating the transit timing variation bias in transit surveys. I. RIVERS: Method and detection of a pair of resonant super-Earths around Kepler-1705
A&A. Leleu, G. Chatel, S. Udry, Y. Alibert, J.-B. Delisle, R. Mardling – A&A, Forthcoming article – DOI: https://doi.org/10.1051/0004-6361/202141471